Route du Baroque

Eglise Sainte-Marguerite-et-Rosalie

1487 - Décorations baroques du XVIIIe siècle. Le village de Lucéram présente toutes les caractéristiques du village perché méditerranéen.Il développe un plan urbanistique typique, fait de ruelles étroites et tortueuses.

Place forte, le village atteint son apogée durant la période médiévale, occupant une position stratégique sur la route du Sel.

L’église Saintes-Marguerite-et-Rosalie illustre le positionnement politico-économique du bourg. Dominant le village, elle fut construite en 1487. Son plan est d’une extrême simplicité. Il s’agit d’une croix latine : une nef unique barrée d’un transept avec une chapelle se développant sur le croisillon droit (c’est là que l’on peut admirer le trésor de l’église, l’un des plus importants de France).

Les volumes sont clairement lisibles et très nettement articulés. Architecturalement parlant, l’église présente des caractéristiques "romano-gothiques" correspondant bien à sa date de construction. C’est par sa décoration, remaniée en 1763, qu’on entre dans le goût baroque. On touche ici un aspect essentiel de la diffusion des styles architecturaux. L’époque baroque ne correspond pas pour Lucéram à une période de prospérité.

Le village n’a donc pas les moyens de faire construire un monument selon les critères de la mode. Dans la mesure où l’édifice existe, on effectue seulement un "rhabillage". La structure du bâtiment est conservée. L’investissement se porte sur le décor intérieur seul.

Dans le cas de l’église Saintes-Marguerite-et-Rosalie, les conditions préalables sont contraignantes.

Il faut conserver la structure architecturale, mais il est également nécessaire de préserver un patrimoine pictural important.

Le retable du maître-autel est une oeuvre de Louis Bréa datant de 1510.

Le retable de sainte Marguerite d’Antioche

Sainte Marguerite d’Antioche est une martyre populaire du IIIe siècle, évoquée par les femmes en couche. La “légende dorée” de Jacques de Voragine raconte qu’âgée de quinze ans alors qu’elle gardait les moutons, le préfet Olybius s’enflamma pour elle et voulut l’épouser. Elle refusa
avouant qu’elle était chrétienne. Elle fut immédiatement emprisonnée. On la brûla avec des torches. On la trempa dans l’huile bouillante et sa tête fut tranchée. Elle est une des voix qui parlaient à Jeanne d’Arc.

Le panneau central composé de deux registres horizontaux superposés et deux petits panneaux seulement sont présents dans l’église. La prédelle et les bandes latérales sont conservées au musée Masséna de Nice. La prédelle est consacrée au martyre de la sainte. Le récit se déroule de gauche à droite. Il s’agit d’une peinture sur bois.

Au centre, sainte Marguerite, en robe d’or broché et manteau rouge vif, sort d’un dragon à gueule béante. On retrouve ce même motif dans le reliquaire de sainte Marguerite au dragon figurant dans le trésor de l’église attribué à un atelier vénitien du XVIe siècle.

A gauche, sainte Marie-Madeleine tient un vase de parfum évoquant ainsi sa présence lors de la Résurrection du Christ. Près d’elle son frère et compagnon de voyage en Provence, Lazare.

A droite de sainte Marguerite, saint Pierre de Vérone revêtu des habits blancs et noirs des dominicains. Sur le panneau voisin, saint Claude en habit épiscopal. Le second registre présente au milieu la Vierge tenant tendrement son enfant dans les bras. À gauche, on remarque sainte Marthe et Michel archange en armure et manteau rouge.

À droite du panneau de la Vierge, se trouvent sainte Madeleine et Louis de Toulouse. Le retable de saint Antoine de Padoue (dans le croisillon droit du transept) est attribué à Canavesio (1490), ainsi que celui de saint Bernard de Clairvaux (autel latéral de la nef) (1490). Le retable de saint Claude (autel latéral de la nef) est attribué à Antoine Bréa (1566).

Le baroque ne se développera donc que dans une volonté de mettre en scène ces images. Il restera localisé dans le traitement des autels latéraux de la nef et dans le maître-autel.

La douceur des courbes et contrecourbes, les stucs, les variations de couleurs et de matériaux n’ont de raison d’être que celle de mettre en exergue ces images de dévotion.

C’est essentiellement la clôture du chœur qui démontre le goût baroque. Fermant l’espace et jouxtant le retable principal, cette cloison fonctionne comme un rideau de théâtre. Derrière elle, c’est le chœur liturgique, l’endroit où les religieux chantent la messe.

Elle marque la séparation entre l’espace où se tiennent les fidèles et celui où ceux qui ont donné leur vie à Dieu suivent l’office.

Cette clôture n’est pas sans rappeler l’iconostase des églises orthodoxes, cloison recouverte d’icônes représentants les saints, derrière laquelle se déroule le mystère de l’eucharistie que les fidèles orthodoxes n’ont pas le droit de contempler.