De l'industrie des diverses régions du département

Transport du sel, filature, fabrication de draps et toiles, tanneries et teintureries, élevage du ver à soie, papeterie et savonnerie.

NOTE : Nous offrons aux internautes la possibilité de découvrir ce texte inédit transcrit dans sa forme originelle et avec l'orthographe de l'époque.

Industrie de l’intérieur du département

Industrie qu’on pourrait avoir

Nous avons observé des mines, mais elles ne sont pas exploitées sauf celle de Tende, qui l’est par des Piémontais. Il est vrai qu’il existe fort peu de particuliers en état de l’entreprendre et que l’esprit de spéculation est trop arriéré pour pouvoir former des compagnies.

12 martinets existent, répandus çà et là pour convertir le fer vieux en fer neuf, en instruments d’agriculture. Ils n’en font guère au delà de 93 488 kilogrammes, (2 000 quintaux) par an, et l’on est tributaire de l’étranger pour plus de 140 232 kilogrammes (3 000 autres quintaux), nécessaire à la consommation. Combien cette industrie ne produirait-elle pas si on mettait en exploitation des mines de fer du pays on en fournirait toute la Provence.

Environ 200 fours à chaux et à plâtre et 50 scies à eau occupent 300 ouvriers, donnant un bénéfice qu’il serait facile de quadrupler, surtout pour le dernier article.

Les frênes et autres arbres des vallées du département sont chargés de cantharides dans le mois prairial. On n’a jamais songé à les ramasser, et les pharmaciens les ont payées jusqu’à (24 francs la livre) 77 francs le kilogramme des droguistes de Marseille. On dit qu’on commençait à en recueillir dans la vallée de la Visubie, avant la guerre. Jofrédi assurait en 1658, que dans cette même vallée on récoltait une manne excellente, et que le Var était couvert de bois de construction. Cette manne existe encore, répandue en gouttelettes sur les feuilles de frênes, mais elle est en trop petite quantité. Le miel de la vallée de la Visubie est peu prisé, parce qu’il est purgatif et qu’il a le goût de marne, car les abeilles se reposent volontiers sur les frênes qui y abondent et qui sont couverts de ce suc naturel.

Ces Alpes-Maritimes paraissent destinées à être couvertes de ruches d’abeilles ; les montagnes de département voisins, du Var et des basses Alpes, font un grand commerce de miel et de la cire, et en approvisionnent la ville même de Nice ; on a vu combien est petite la quantité qu’on en récoltait et qu’on récolte dans le département.

La culture des terres et l’éducation des troupeaux furent de tous les tems l’unique objet industriel de la grande majorité tandis qu’une portion du peuple s’occupait des transports et qu’une autre portion bornait ses vœux à être placés ou dans l’église, ou dans l’état militaire, ou dans l’ordre judiciaire.

Transport du sel en 1790

Comme le roi de Sardaigne fesait venir de cette isle tout le sel qui se consommait dans ses états de terre ferme, sauf la Savoie, et que ce sel abordait à Nice ou à Villefranche, le transport de cette denrée d’une commune à l’autre, dans l’intérieur du département et en Piémont, occupait pendant six mois de l’année un grand nombre d’individus répartis sur la route de Nice à Tende, et un plus grand nombre encore de bêtes de sommes. 60 ouvriers, 150 mulets et environ 60 ânes portaient journellement du sel de Nice aux magasins d’Escaréna, un pareil nombre était employé pour le porter à Sospello, de Sospello à la Giandola, de là à Tende et de Tende à Limon. Ce genre d’industrie produisait à Nice et à la commune d’Escaréna un revenu journalier fixe de 250 livres ; à celle de Lucéram, pour 15 hommes qui s’en occupaient, un revenu de 45 livres, pour celle de Sospello qui y employait 150 individus, un revenu de 600 livres ; et pour celui de Breglio et de Tende, 100 livres chaque, sans compter pour toutes ces communes, le fumier résultant des mulets qu’il fallait avoir et dont le nombre augmentait le profit. Cet état qui n’exige aucune peine d’esprit, et qui est propre au contraire, à étouffer l’entendement, était tellement regardé comme un patrimoine que les gens qui le fesaient se crurent perdus lorsqu’il leur manqua. Durant la guerre, cette industrie fut de toute nullité, chacun allant à Nice s’approvisionner de sel. En l’an XI des particuliers en ont établi des magasins à Tende, pour en approvisionner le Piémont, et ils emploient un certain nombre d’individus de Sospello et de l’Escaréna, qui le rendent à sa destination, à un centime 28 décimes le kilogramme (10 centimes le rub), prix à peu près égal à celui que payait l’ancien gouvernement d’un magasin à l’autre.

Un grand nombre de muletiers était encore employés dans toute la route de Nice à Turin, pour le transport réciproque des marchandises ; on en comptait 600 pour tout le département. Il en existe encore aujourd’hui 200 car le chemin de Tende n’a jamais été assez propre pour les grosses charrettes, et l’on a eu de tout tems besoin de recourir aux muletiers. Ce n’est même qu’avec peine que les habitants de cette route, ont vu les efforts qu’on fesait pour l’approprier aux voitures ; et il est certain que si jamais cela a lieu, les familles de muletiers seront privées d’une grande ressource.

Après avoir exposé la nature des occupations de la multitude, nous allons jeter un coup d’œil sur quelques branches d’industrie éparses, un peu dans une commune, un peu dans l’autre, surtout dans les parties septentrionales et occidentales, car, à part le commerce des citrons à Menton, un peu de pêche et de navigation sur la côte maritime, dont nous parlerons bientôt tant sur cette côte que dans les communes méridionales et occidentales, on ne découvre d’autre industrie parmi les habitants que celle de la culture de la vigne et de l’olivier.

Parties industrielles

Ces échantillons épars d’industrie consistent dans la fabrique des draps, des toiles, des chapeaux de laine et de paille, de dentelles, dans quelques tanneries et chamoiseries languissantes ; dans quelques ateliers de teinture, dans l’exploitation du sumac , dans l’éducation des vers à soie ; le changement du fer vieux en fer neuf et dans la fabrication de quelques poteries et de quelques ustensiles de buis. Je ne devrai pas parler de ce dernier article, puisque je n’en ai vu qu’un misérable atelier à Saorgio, mais je le note parce que mon étonnement a été très grand de ce qui dans un pays où le buis est si commun, et où l’on se sert beaucoup d’ustencilles de bois, on les fait cependant tous venir de l’étranger et qu’il m’a fait plaisir de rencontrer enfin dans une commune quelqu’un qui s’en occupa. Il en est de même des poteries de terre, car il n’y en a dans tout le département que deux fabriques dans le village de Contes, dont les produits grossiers ne vont pas au feu.

Draps, toiles et chapeaux

Nous renvoyons, quant aux draps fabriqués dans le pays, au chapitre 6 à la 2ème section, où nous avons démontré que cette industrie produisait annuellement 62 400 francs et qu’elle pourrait peut être, en produire le double. 15 moulins à foulons suffisent aujourd’hui à cette fabrication. Quant aux toiles, aucun habitant n’en fabrique pour en vendre, mais comme chacun se fait son drap, chacun se fait aussi sa toile, et si grossière que les personnes d’un état un peu relevé ne font usage que des toiles de l’étranger.

On a peine aussi à nommer les fabriques de chapeaux du département, puisqu’il n’y en a que trois, sans en excepter Nice, une au Puget, l’autre à Saint-Etienne, et la 3ème à Villeneuve d’Entraunes. La première confectionne année commune, environ 100 chapeaux appellés fins, 150 de seconde qualité et 300 grossiers. Ils sont fabriqués de la laine du département et ils emploient 2 hommes pour les préparer et deux autres pour couper les toiles. Celle de Saint-Etienne, encore naissante, ne fabrique que la moitié de cette quantité, dont un quart est en poils de lapins et de lièvres. La manufacture de Villeneuve d’Entraunes, est aussi languissante que celle de Saint-Etienne, et emploit un mélange de poil de lièvre et de laine.

Quant aux chapeaux de paille, toutes les paysannes s’en occupent ; celles surtout de la vallée d’Entraunes sont toujours occupées à en tresser ; ils font un objet conséquent de la foire de Guillaumes ; les hommes en portent aussi en été. On en fait d’assez beaux et qui valent jusqu’à 6 francs pièce.

Dentelles

Je n’ai trouvé qu’à Breglio, les personnes du sexe occupées à ce travail. Là, femmes et filles de tout âge font du matin au soir de la dentelle grossière dont se fournissent les communes voisines, jusqu’à la concurrence de 1 467 mètres ( 5 600 pans) par an, à 47 centimes 70 décimes le mètre (2 sous et ½ le pan), ce qui produit un revenu d’environ 7 à 8 cents francs, abandonné au sexe pour son entretien et un commencement de dote. On pourrait faire de la dentelle plus belle, à en juger par un échantillon que m’a donné la femme du maire, mais elle n’aurait pas de débit.

Tanneries, chamoiseries et teintureries

Il paraît par les ruines qu’on observe dans différents villages que les tanneries ont été autrefois plus multipliées qu’aujourd’hui ; maintenant, si nous exceptons Nice, il n’y en a plus qu’une à Puget, une à Breglio très petite et qui travaille fort peu, 3 à Sospello, où il s’en trouvait quatre en 1790.

Dans la tannerie de Puget, on fabrique, année commune, environ 685 kilogrammes de peaux de veaux, de moutons, dont l’excédent qui n’est pas consommé sur le lieu, est vendu dans le département.

Des trois fabriques de Sospello, les deux principales tannent annuellement 500 gros cuirs et 600 peaux de veaux ; la troisième, conjointement avec celle de Breglio tanne environ la moitié de cette quantité. Les fabricans m’ont assuré que le travail allait du double avant la guerre.

Quant aux chamoiseries, il y en a deux, qui ne sont encore que de faibles essais ; l’une au pont haut, en allant à Saint-Dalmas le Sauvage, l’autre à Villeneuve d’Entraunes.

Il y a quatre teinturiers, deux à Saint-Martin d’Entraunes, un à Isola, et l’autre au Puget. Chacun d’eux teint par an, environ 60 pièces de drap grossier, de couleurs dont nous avons parlé à la 2ème section, mais on préfère en général d’envoyer teindre à Barcelonette.

Sumac etc.

Cet arbrisseau précieux par la teinture du bon teint qu’il fournit, croit à profusion dans toutes les collines plus stériles de ce département. On en fesait avant la guerre une exportation d’environ 46 744 kilogrammes (1 000 quintaux) pour tout le département ; la commune de Breglio est celle dont les habitants ont le plus contribué à tirer parti de ce bois. Ils en exportent chaque année à Nice, ou à Vintimiglia, la quantité d’environ 200 charges, tout écorcé et dépouillé de son aubier, à 10 francs la charge ce qui leur procure un bénéfice annuel de 2 000 francs. L’écorce et la feuille de cet arbrisseau contiennent d’après mes expériences encore plus de tanin que l’écorce de chêne vert, et je me suis trouvé d’accord avec les tanneurs de ces contrées qui m’ont dit l’avoir éprouvé et être résolus à s’en servir dorénavant pour les cuirs verts. On peut en faire pour 1 000 charges dans tout le département, ce qui fournit un produit de 10 000 francs.

Ils ont à Bréglio un autre moyen d’industrie ; ils tirent parti d’un bois de noisetier, dont ils font des paniers qu’on vient vendre à Nice, ce qui fournit un autre bénéfice de 2 000 francs.

Les habitants de cette commune joignent donc aux produits de l’agriculture, une industrie qui se monte jusqu’à 4 800 francs annuels, qui jointe à celle d’une trentaine de familles muletiers, lui donnent un air d’aisance qu’on aperçoit aussitôt qu’on arrive.

Education des vers à soie

Cette branche d’industrie était une grande ressource pour un grand nombre d’habitans des Alpes-Maritimes, surtout dans les vallées de la Visubie, du Var et de la Roya. Dans celle de la Visubie, des mûriers étaient en pleine vigueur, jusqu’à Saint-Martin de Lantosca, et fournissaient aux vers à soie pour donner jusqu’à 9 348 kilogrammes (30 000 livres) de cocons par an ; ceux de la vallée du Var en fournissaient autant ; ceux de la vallée de la Roya en donnaient 2 181 kilogrammes (7 000 livres), et l’on peut mettre à 6 232 kilogrammes (20 000 livres). Le produit des mûriers de la vallée de Paglion, des communes environnantes, de la campagne de Nice, de Saint-Martin du Var et de Gilette, et de ceux de la cote maritime, total 27 110 kilogrammes (87 000 livres) de cocons qui à 2 francs 88 centimes 81 décimes le kilogramme (18 livres) prix d’alors produisaient un revenu de 78 300 francs, de 12 000 francs, après avoir été fabriqués dans les filatures dont je parlerai ci-après.

En faisant quelques observations sur cette branche utile d’histoire naturelle, j’ai trouvé, 1èrement que l’éducation des vers à soie, pour réussir, demande une température moyenne. Ainsi indépendamment de ce que la sécheresse est un obstacle à la végétation des meuriers, on m’a assuré dans les parties les plus chaudes, comme dans celles qui sont froides, que ces insectes réussissaient fort peu, et que la soie en provenant en était moins belle aussi semble-t-il que l’instinct ait guidé les hommes dans les choix des positions qui conviennent le mieux à la culture des meuriers. On les trouve multipliés dans toutes les régions tempérées et suffisamment humides tandis qu’on en rencontre fort peu sur la cote maritime et dans la vallée de la Nervia, où sans doute on les eut davantage cultivés s’ils eussent été d’un bénéfice certain.

2èmement Dans toutes les régions sujettes aux brouillards dont il a été parlé à la 1ère section, quoique les meuriers réussissent, ils font cependant fort peu prospérer les vers à soie. On m’a assuré unanimement à Sospello, où il y avait beaucoup de ces arbres, qu’à cause des brouillards ils n’ont jamais fourni une bonne nourriture à ces insectes et que les cocons en résultant n’ont jamais donné que très peu de soie fine.

Tous ces cocons étaient portés dans trois communes où étaient établies des fabriques, savoir à Lantosca où il y en avait trois, pour la récolte de la vallée de la Visubie, et des communes circonvoisines ; cette soie était d’une qualité inférieure pour l’organsin . Les secondes filatures étaient et sont au Villars, au nombre de deux, pour les cocons de la vallée du Var, de quelques communes des vallées de Guillaumes et de l’Estéron et des autres communes circonvoisines ; la soie en est assez belle. Les autres filatures étaient et sont encore à Nice, et j’en parlerai à l’article suivant.

A Lantosca, on fesait venir des fileuses de Nice, et l’on employait les femmes du pays à filer la trame. Le prix des premières était de 2 francs par jour, et de 1 franc 25 centimes pour les secondes ; on donnait 50 centimes aux vireuses. Année commune, ce genre d’industrie donnait un bénéfice de 10 000 francs pour les habitants de Lantosca.

Cette industrie est totalement tombée durant ces 10 années de guerre ; un grand nombre de meuriers ont été coupés ; on a prétendu à Saint-Martin de Lantosca, qu’à cause que le climat était devenu plus froid, ces arbres ne réussissait plus, que plusieurs périssaient d’eux-mêmes, et que le peu de vers à soie qu’on élevait prospéraient infiniment moins qu’anciennement. On m’a fait la même observation au Puget et l’on y attribue généralement à la fréquence des intempéries le peu de facilité qu’on éprouve aujourd’hui à élever des chenilles, comparativement aux années précédentes.

Cependant les filatures de Villars, quoique moins actives, n’ont pas cessé de travailler ; elles font année commune environ 311 kilogrammes (1 000 livres) de soie, et le prix des ouvrières est à peu de chose près le même que celui qui était établi à Lantosca.

Cette industrie a commencé à reprendre de l’activité en l’an X, à la différence qu’excepté le produit des vallées du Var, de Guillaumes et de l’Estéron qui a été porté au Villars, les cocons de tout le reste du département sont arrivés aux filatures de Nice.

Il est à espérer que les filatures de Lantosca se rétabliront, la vallée étant propice aux meuriers sauf du coté de Saint-Martin, et le commerce de la soie reprenant de la vigueur. Il est à désirer qu’il s’en établisse pareillement à Saorgio, dont la soie est de meilleure qualité de toutes celles du département. On y aurait les cocons de Bréglio, et des villages liguriens limitrophes ; tandis qu’ils sont portés péniblement à Nice ou à Saint-Rémo, ce qui en diminue le bénéfice. Ce serait aussi un appas pour engager les particuliers à multiplier les meuriers le long des rivières et des torrens, d’autant mieux que les cocons produits dans le milieu de la partie sud-est du département sont les plus prisés.

Changement du fer vieux en fer neuf

Les 12 martinets du département, susceptibles de convertir 93 488 kilogrammes (2 000 quintaux) de fer vieux acheté à (5 centimes la livre) 16 centimes 04 décimes le kilogramme, en 70 116 kilogrammes (15 cent quintaux) d’outils d’agriculture etc., qu’ils livrent ensuite à 1 franc 60 centimes 45 décimes (50 centimes la livre) sont susceptibles d’un produit de 7 500 francs.

Industrie de la ville de Nice

L’industrie et le commerce de Nice sont peu conséquents, relativement à ceux de tant d’autres villes placées comme elle, sur la Méditerranée. Nous en avons exposé les causes. Cependant, centre des opérations administratives judiciaires, entrepôt de toutes les denrées et marchandises qui doivent être consommées dans le département et passer en Piémont, ou qui sont destinées à l’exportation, Nice seule a plus de moyens d’existence que tout le département entier, sans pourtant comparer le plus riche de ses citadins à un négociant médiocre de Marseille ou de Bordeaux.

Sans parler ici de son commerce que nous examinerons au chapitre suivant, elle a quelques manufactures qui ne sont véritablement pas encore dignes d’elle mais qui pourront prendre de l’accroissement par la réunion à la France. Les principales sont les filatures de soie, les ateliers de parfumerie, les taneries, la papeterie, la savonnerie, et quelques autres moyens d'industrie que nous indiquerons.

Filatures de Nice

La chute des filatures de Lantosca dont nous avons parlé précédemment, a amené à Nice tous les cocons qui y étaient déposés ordinairement à Lantosca. Ce genre d’industrie a toujours enrichi ceux qui s’y sont livrés, parce que à Nice on a non seulement les cocons du département mais encore ceux des communes voisines, du département du Var, et que les maitres des filatures en avançant, durant le cours de l’année, de l’argent aux paysans, ont toujours les cocons à meilleur marché qu’ils ne se vendent sur la place.

Le nombre des filatures de Nice un peu marquantes était de dix en 1790, et elles sont encore à ce nombre actuellement. On m’a rapporté qu’elles filaient annuellement 70 116 kilogrammes (9 000 rub) de cocons qui donnaient 4 908 / kilogrammes (15 750 livres) de soie fine appellée grêge de 30 à 32 deniers pour un mètre 188 millimètres (une aune) de taffetas, et 1 636 kilogrammes (5 250 livres) de soie dite fagoterie ou ramassage. Cette industrie a presque été nulle depuis la guerre jusqu’en l’an X époque où elle repris la même vigueur qu’en 1790, puisqu’on a travaillé la même quantité de cocons, et qu’on en a eu les mêmes résultats.

L’on a payé en l’an X le même prix des cocons qu’en 1790, c’est à dire 3 francs 8 centimes 12 décimes le kilogramme (24 francs le rub) ce qui donne 21 500 francs ; la soie de première qualité s’est vendue comme en 1790 de 38 à 48 francs le kilogramme (12 à 15 francs la livre), et celle de deuxième qualité de 20 à 38 francs (9 à 10 francs). Je mets la première au terme moyen de 41 francs 71 centimes 63 décimes (13 francs la livre), et la seconde à celui de 28 francs 88 centimes 06 décimes (9 francs). Les sommes réunies fournissent 252 000 francs.

Le prix des fileuses, vireuses etc. est comme celui que j’ai dit pour Lantosca.

La soie de Nice passait entièrement en Angleterre. On l’expédie aujourd’hui pour Lyon, mais les commerçants craignent que s’il venait à y avoir une trop grande concurrence dans cette ville, cela ne nuisit à ce genre d’industrie.

Avant la révolution, il y avait dans les filatures de soie une police pour le choix des cocons, de manière qu’on ne pouvait les jetter dans les fourneaux, que préalablement des visiteurs ne se fussent assurés qu’on en avait séparé les qualités. Cette police n’existe plus, mais les commerçants désirent qu’on la rétablisse afin de maintenir le crédit de la soie de Nice, qui consiste beaucoup dans le triage exact des cocons d’inférieure qualité auquel de nouveaux entrepreneurs, qui n’ont point encore de réputation établie et qui veulent la fonder sur le bon marché, ne regardent peut-être pas toujours de si près.

Outre les filatures, Nice avait deux moulins à soie, travaillant toute l’année employant 150 ouvriers et fournissant des organsins, trois bouts, très prisés à Lyon pour la fabrication des satins. Ils ont été détruits durant la révolution et ne se sont plus relevés.

En observant les nations on trouve souvent que la nature a vraiment déterminé à chaque pays des moyens d’industrie auxquels ses habitants peuvent se livrer exclusivement à toute autre partie. La cote maritime des Alpes que nous considérons ici est la partie des parfums. Hiver, été, dans toutes les saisons de l’année, la lavande, le thym, le serpolet etc., sont constamment verts, constamment odorants ; la rose, la tubereuse, le jasmin, peuvent parer en tout temps les allées des jardins, de leurs fleurs artistement renouvelées, et tenir dans une continuelle haleine le parfumeur et le distillateur ! Qu’elle est la contrée dans toutes ces cotes de la méditerranée, qui jouisse d’une température aussi douce, aussi constamment égale, et où les calices et les pétales des fleurs exhalent un parfum aussi exquis et sous la direction d’un peuple industrieux, ces montagnes et ces collines si sèches qui rebutent la main du laboureur, ne deviendraient-elles pas une source exclusive de richesses ?

La facilité d’avoir des arômes en abondance donne naissance à tous les arts qui savent les fixer d’une manière analogue à l’un des sens du goût ou de l’odorat, qu’ils se proposent de flatter. Ainsi, l’art du distilateur, du confisseur et du liquoriste marchant à coté du parfumeur et devraient exceller dans le pays où l’essence étant sous la main n’a pu encore rien perdre de son odeur. Nice, en 1790, moment de sa plus grande splendeur, était pourtant si loin encore de cette perfection, que Grasse, sa rivale avec moins d’avantages, fesait, en cela quatre fois plus de commerce qu’elle.
Les arts du luxe étant tombés, durant la guerre ; la parfumerie, et la distillerie sont restées longues années dans une stagnation parfaite. On avait avant la révolution dans le terroir de Nice plusieurs plantations de jasmins, de cassies , de rosiers, de tubereuses, de jonquilles, qui rendaient considérablement aux propriétaires, et que ceux-ci ont fait arracher, dès qu’ils ont vu qu’elles ne rendaient plus. Aujourd’hui que la parfumerie a repris de la faveur les demandes à Nice sont conséquentes, et l’on ne peut malheureusement les remplir parce que les fleurs manquent, ce qui nuit à la fois et aux fabricants et aux propriétaires, et à un grand nombre de pauvres gens qui étaient employés une grande partie de l’année au travail des fleurs.

D’un grand nombre de parfumeurs qui s’étaient établis à Nice avant 1790, il y en a encore trois qui, en l’an X, ont continué à avoir un travail considérable. On a expédié cette année, en France, en Suisse, en Allemagne et dans tout le nord, 23 372 kilogrammes (500 quintaux) d’eau des fleurs d’orange, 934 kilogrammes 8/9 (20 quintaux) d’eau rose, et 3 739 kilogrammes (80 quintaux) de pommades.

Le prix de l’eau de fleur d’oranger varie suivant les qualités, mais on peut l’établir au prix moyen de 1 franc 49 centimes 74 décimes (70 francs le quintal), ce qui donne un produit de 35 000 francs.
L’eau de rose à 2 francs 13 centimes 93 décimes (100 francs le quintal) 2 000 francs.

La pomade à 6 francs 41 centimes 74 décimes le kilogramme (300 francs le quintal) 24 000 francs.
On peut avoir envoyé 18 697 kilogrammes (400 quintaux) de fleurs d’oranger salées, en tonneaux, à 53 centimes 48 décimes le kilogramme (25 francs le quintal) 10 000 francs.

Quant aux huiles volatiles et aux essences, on en fabrique très peu dans cette ville, à raison du très haut prix de la main d’œuvre. On se borne à l’huile volatile de fleurs d’oranges, appellée nérolis, qu’on recueille à fur et à mesure de la distillation de l’eau. On en obtient, année commune, environ 18 kilogrammes et ½ (60 livres) à 22 francs 68 centimes 66 décimes le kilogramme (70 francs la livre) 4 200 francs.

En essences proprement dites, soit huiles volatiles et aromes dissouts dans l’alcool, environ 93 kilogrammes ½ (2 quintaux) à 6 francs 41 centimes 74 décimes le kilogramme (300 francs le quintal) 600 francs.

Les montagnes du département produisant ainsi que nous l’avons déjà dit, une grande quantité des différentes variétés de lavandes, etc., qui donnent une huile volatile d’une qualité supérieure à celle de Provence. Plusieurs distillateurs de ce pays venaient chaque année établir leurs alembics sur les montagnes où ils trouvaient le bois et la matière première à vil prix. Cette industrie que la guerre et le brigandage avaient fait cesser a commencé à reprendre en l’an X et a produit cette année, environ 10 stagnons d’huile d’aspic, 3 stagnons de lavande, et 2 stagnons d’huile de thym ; chaque stagnon contient 24 kilogrammes 475 décimales (50 livres poids de marc).

L’huile d’aspic à 5 francs 61 centimes 56 décimes le kilogramme (35 sous la livre) 875 francs.
L’huile de lavande à 9 francs 62 centimes 68 décimes (3 francs la livre) le kilogramme 450 francs.
L’huile de thym à 14 francs 44 centimes 03 décimes le kilogramme (4 francs 50 centimes la livre) 450 francs.

On peut donc estimer que le produit de la parfumerie à Nice a roulé en l’an X sur une somme de 77 575 francs.

Je n’ai pu me procurer le produit approximatif du travail des liquoristes qui sont au nombre de quatre. Je ne pense cependant pas qu’il soit très conséquent d’autant plus qu’à Nice même, on préfère, à juste titre, les liqueurs venant de l’étranger, à celles qui sont fabriquées dans le pays. Il en est de même des confiseurs qui sont au nombre de sept, il m’a été impossible d’avoir une idée nette du commerce de ces professionnels.

En 1790, on fit la moitié moins d’eau de fleurs d’oranges, et le double d’eau de roses ; on fabrique 467 kilogrammes ½ (10 quintaux d’essences ; et 4674 kilogrammes (100 quintaux) de pomades tant fortes que liquides. Les prix n’ont pas varié.

Il est certain, cependant nous le répétons encore, que le terroir de Nice présente des avantages, au dessous de celui de Grasse dont le commerce de parfumerie était évalué à près d’un million, avant la révolution. Les propriétaires gagneraient beaucoup à multiplier les fleurs de différente nature, soit dans les jardins soit dans les lieux incultes, élevés et les moins humides mais la force d’inertie les domine et il faut que des étrangers viennent profiter de ce sol négligé par les indigènes.

Tanneries

Le même homme à Nice est tanneur, corroyeur et chamoiseur ; ce dernier article était déjà tombé il y a 18 ans.

On y compte huit tanneries, où les cuirs sont traités à la chaux dans laquelle on les laisse pendant 15 jours. Ils restent en fosse, avec le tan , les uns un an, les autres 18 mois. Le citoyen Blan qui actuellement sous préfet au Puget-Théniers, avait établi, il y a 3 ans, une manufacture selon la méthode de Seguin, et il m’avait montré des cuirs de 40 jours parfaitement tannés tant à fleur que dans le centre, cependant je ne sais par quelle circonstance son entreprise n’a pas réussi.

Ce genre d’industrie a beaucoup gagné à Nice. Depuis la révolution, on y tanne un quart en sus de cuirs de plus qu’en 1790 parce qu’à cette époque l’importation du tan des départements voisins était contrebande, d’une autre part je pense que la prospérité des tanneries à Nice a nui à celles de Sospello, où l’on avait alors du tan en quantité par la proximité des forêts de chêne vert.

Le travail de ces huit manufactures consiste à tanner, ainsi qu’il suit :
- 30 000 cuirs, en vert, avec la mirtillus coriarius extrait en grande partie du département du Var.
- 600 cuirs en rouge ; tan de chêne vert, même extraction. Ce tan devient rare et cher.
- 6 000 peaux de vaches et de veaux, travaillées en peaux d’empeigne.
- 6 000 peaux de jeunes chèvres et de moutons du département, travaillées en maroquin dont une manufacture en couleurs.

On tirait en l’an 1790 du département 3 000 grosses peaux. On n’en retire plus actuellement que 2 000 ; les autres sont extraites de Gênes et de Marseille. On préfère dans l’achat, les peaux d’Auvergne parce qu’elles sont plus ramassées ; après celles-ci viennent les peaux d’Amérique ; les inférieures sont celles du Piémont et surtout de la Ligurie, parce qu’elles ont trop de long sur le large.

Le prix des peaux en 1790 était de 60 francs le quintal, poids de Marseille, et de 90 francs après avoir été ouvrées.

Le 12ème de peaux de chèvres, valait 17 francs.

Celles de peaux de moutons, non tondues, 12 francs et tondues, 9.

En l’an X, le prix des grosses peaux, savoir bœufs, vache et veaux, a été de 80 francs le quintal, même poids, et de 100 francs après avoir été ouvrées. Les peaux d’empeigne valent 115 francs, et je dirai en passant que, durant la guerre, l’huile de poisson ayant manqué pour le corroyement, on a essayé de la suppléer par l’huile d’olive, laquelle s’est trouvée d’une qualité inférieure à la première pour cette opération.

Le 12ème de peaux de chèvres a vallu en l’an X, 36 francs, et s’est vendue ouvrée, 72 francs.
Celle de mouton, 15 francs, et ouvrée 30 à 36 francs.

Les grosses peaux pesant l’un dans l’autre 14 kilogrammes 3/5 (36 livres poids de Marseille), il en résulte environ 3 456 quintaux d’employées bruttes, qui après avoir été ouvrées donnent une augmentation de prix de 69 120 francs, plus, en ajoutant à cette somme les 15 francs par quintal des peaux d’empoigne, savoir 32 400 francs, nous avons celle de 101 580 francs pour les grosses peaux.

En mettant pour les peaux de chèvre et de mouton l’une dans l’autre, 20 francs de produit industriel, par douzaines, nous avons la somme de 700 francs qui ajoutée aux deux premières, nous donne celle totale de 108 520 francs pour produit des tanneries de Nice.

La plupart de ces cuirs et peaux sont consommés dans le département. Il en passe seulement une petite partie à l’étranger, et les fabricants voudraient qu’on modéra un peu le prix des douanes pour favoriser cette exportation.

Du reste je crains bien que ce genre d’industrie ne fructifie pas, parce que le tan devient tous les jours plus rare, par la négligence qu’on a mise dans le régime forestier, et par les soins qu’on se donnera sans doute à l’avenir d’empêcher qu’on écorce les jeunes arbres, ainsi qu’on le fait indistinctement. Cet objet est d’un intérêt majeur, puisque le cuir est de première nécessité, il conviendrait donc de multiplier dans certains départements les racines qui contiennent le plus de tanin, afin de donner le tems aux jeunes arbres de devenir suffisamment gros. Par exemple la tormentille et la bistorte viennent partout dans le département et j’en fait voir dans les cours qu’elles tannent assez bien.

Papeteries

Il paraît par quelques anciens restes, qu’il y a eu autrefois sur la côte maritime de ce département un plus grand nombre de papeteries qu’aujourd’hui ; au quartier de Saint-Barthelemi, par exemple, vallon du Temple, terroir de la ville de Nice, il existe des ruines d’une fabrique de cette nature, assez considérable où l’eau est très abondante et fait aller plusieurs moulins à huile et à farine.

Actuellement, il n’existe dans tout le département que deux papeteries, à une seule cuve chaque, fabriquant simplement du papier gris, sans colle, de deux à trois dimensions. Elles sont situées au quartier de l’Ariane sur la rive droite du Paglion, à une lieue environ de Nice, et ne travaillant pas toute l’année, parce qu’en été, elles manquent d’eau de temps en temps.

Elles font, 1èrement du papier pour l’étendage des vermicelli, pates dont on fabrique beaucoup à Nice, soit pour la ville soit pour l’étranger, sous le nom de pates de gênes.

2èmement papier croisette mi-blanc pour envelopper les oranges.

3èmement papier gris sur la forme de la croisette, pour les vers à soie.

Le total des rames sortant annuellement des deux fabriques est de 4 000 à 6 francs la rame…. 24 000 francs.

Les chiffons blancs passent à l’étranger par voie de contrebande, et quelques fois à Marseille pour la consommation du papier à écrire ; on le pourvoit à Barjols ou à Annonay.

Tout récemment, un papetier du pays a pris un engagement avec la commune de Drap, distante de deux heures de Nice, de fabriquer une papeterie dans l’enceinte du territoire de cette commune, qui lui a cédé une voie d’eau suffisante, et il se propose de faire du papier à écrire ; on doute cependant qu’à cause du haut prix de la main d’œuvre, il puisse soutenir la concurrence avec l’étranger.

Plus récemment encore, un capitaine de mon pays le citoyen Dufour, vient d’entreprendre une papeterie de papier gris, fait avec différentes variétés d’ulva, du genet et de la lavande. Il m’a présenté différents essais fait avec ces plantes : le papier de l’ulva est fin, serré et ne boit pas l’encre mais il a le défaut de se contracter aussitôt qu’on l’enlève du feutre, à moins qu’on ne l’aye laissé sécher dessus. On espère y remédier, en enlevant l’excès de glutineux de cette plante aquatique très abondante sur les eaux stagnantes du Var, de Paglion et de Bévera.

Savonneries

Il semblerait que dans un pays d’huile ce genre de manufactures eut du prendre un grand crédit et se multiplier ; cependant, il n’y a jamais eu à Nice que trois savonneries qui sont très languissantes. Durant la guerre, le commerce étant interrompu, le savon de Nice avait pris quelque faveur mais depuis la paix, il lui est difficile de soutenir la concurrence avec celui de Marseille, et même avec celui de Grasse, ville dans laquelle il s’est établi diverses manufactures. Cependant il est positif que cette industrie convient à Nice, 1èrement parce qu’elle n’exige pas une trop grande quantité d’ouvriers ; 2èmement par la commodité d’ouvrir sur les lieux toutes les huiles de recens nécessaires ; 3èmement par la facilité d’avoir des sondes par mer ; 4èmement par l’avantage du voisinage du Piémont que Nice pourrait fournir entièrement de savons.

Sous ce dernier point de vue, Sospello aurait encore plus d’avantage, étant à moitié chemin de Tende, et les huiles s’y vendant communément 38 centimes 52 décimes le kilogramme (3 francs le rub), de moins que sur la place de Nice. Cette ville pourrait faire venir ses soudes par Menton ; en rendant voiturable le chemin dont j’ai parlé.

Je n’ai pu me procurer des renseignements très positifs sur le produit de cette industrie, qui d’ailleurs ne suffit pas à la consommation du département.

Etrangers

Nice a un genre d’industrie qui lui coûte peu de peine puisqu’elle la doit entièrement à son climat. Tous les ans avant la révolution, elle jouissait d’un grand concours d’étrangers, surtout de familles anglaises qui venaient y passer l’hiver. Cette industrie a été nulle, naturellement pendant la guerre, mais elle a commencé à reprendre en l’an X, et elle est en l’an XI, en aussi grande activité qu’auparavant, sauf qu’on se plaint que ces familles ne sont plus ni aussi libérales ni aussi confiantes ; ces étrangers louent ordinairement les maisons de campagne, du faubourg et de la Croix de marbre, toutes meublées. Il est de ces maisons qui leurs sont affermées 2 400 francs et même plus, pour cinq mois ; un simple étage est affermé 700 francs, pour le même espace de temps ; on calcule généralement qu’année commune, les habitants de Nice retirent de ce genre de commerce et des autres services dont ils savent supérieurement bien tirer parti, une somme qui va au delà de 300 000 francs.

Telles sont les principales branches industrielles de la ville de Nice en 1790. Il y avait 6 fabriques de chandelles, qui employaient les graisses des bœufs de Piémont, de Russie etc., et qui fabriquaient 46 744 kilogrammes ¼ (6 000 rub) par an, expédiés à l’étranger, à 1 franc 28 centimes 36 décimes le kilogramme (10 francs le rub) ; il en reste encore deux qui sont très languissantes et qui ne travaillent que pour le pays.

Il y avait aussi 5 à 6 ateliers de cables, de cordages pour les vaisseaux marchands, renommés, lorsqu’on n’y employait que le premier brin seul et l’excellent chanvre de Piémont ; les armateurs, de Gênes et de Marseille en demandaient beaucoup, cependant ils commençaient à déchoir.

Il y a en outre grand nombre de marchands et de fabricants de tabac, de revendeurs de drogues et de denrées de première nécessité de marchands en détails ; on peut dire qu’il y a plus de boutiques que d’acheteurs, tant est grand le nombre des individus, qui, faute d’autre profession, sont forcés à prendre un banc ou une boutique pour détailler quelque marchandise qu’on achète toujours à un prix double de celui de Marseille.

Etablissements à proposer

On avait essayé, avant la révolution, une verrerie, une manufacture d’impression d’indienne, une fabrique de toiles fines de coton, de rubans de filoselle, d’impression de papier, de gazes ; elles sont mortes presque à leur berceau, faute de capitaux et de bonne direction !

Quel genre de manufacture conviendrait-il d’établir le plus à Nice ? Tous les anciens commerçants que j’ai consulté m’ont assuré que le haut prix des ouvriers, occasionné par la cherté des denrées de première nécessité, serait toujours un obstacle à l’établissement des fabriques qui exigent beaucoup de bras. Nice doit donc se borner à celles dont la matière première est sur les lieux, et qui, n’employant guère de bras, peuvent soutenir avantageusement la concurrence par le bon marché ; aussi la parfumerie et la savonnerie seraient, à mon avis, les deux branches auxquelles elles devraient se livrer spécialement, et certes elles suffiraient bien pour équipondérer les denrées et marchandises que le pays ne produit pas, et qui sont de nécessité absolu ; cet échange est dans l’ordre de la nature, et la nature mérite aussi d’être consultée dans les spéculations de commerce.