Epoques de la vie où l'on commence et où l'on finit d'être propre au travail suivant les positions habitées

À quel âge commence-t-on à travailler ? À quel âge s’arrête-t-on ? Causes et des traitements des maladies congénitales et endémiques. État de la médecine dans le département.

NOTE : Nous offrons aux internautes la possibilité de découvrir ce texte inédit transcrit dans sa forme originelle et avec l'orthographe de l'époque.

Epoques de la vie où l’on commence et où l’on finit d’être propre au travail suivant les positions habitées

Ages de la vie où l’on commence à travailler au Midi

Dans toutes les parties méridionales du département, les enfans commencent à être utiles à leurs parens en gardans les troupeaux, en arrachant les mauvaises herbes, en cueillant les olives, et en faisant bien d’autres petites choses analogues, dès l’age de six a huit ans. Ils y sont partout d’une grande vivacité, bientôt développés et dans les parties élevées et séches comme à Perinaldo, marchant à dix mois.

Il est à remarquer que dans les régions méridionales, l’on m’a fait faire partout l’observation qui depuis le changement de régime, les enfans sont beaucoup plus vite développés, soit dans le parler, soit dans la marche. C’est là une suite de ce développement même des facultés intellectuelles des parens, accoutumés autrefois à une longue servitude et à ne savoir pas penser eux-mêmes. En ouvrant une nouvelle carriére aux inquiétudes de l’esprit, et en répendant partout leur vivacité et leur loquacité naturelles, les Français ont insinué dans les cœurs un sentiment actif de dignité personnelle, qui quelles que soient les institutions à venir, se conservera long-tems chez un peuple qui ne lit pas et chez lequel parconséquent les opinions en bien ou en mal insinuées par la tradition, font des impressions durables.

Cette vivacité s’est communiquée aux enfans imitateurs de nos gestes ; abandonnés ci devans en maillot, dans l’ordure pendant les travaux du jour, leur éducation physique est aujourd’hui soignée ; moins silentieux, plus ouverts, leurs pères conversent avec eux plus souvent. Qu’on suive la marche des sentimens humains dans les divers degrés de la vie sauvage et de la vie civilisée, l’on verra que le sentiment de paternité augmente en raison de la civilisation ; tant il est vrai que le moral aide singulièrement au climat à donner des formes et des habitudes particulières à tout ce qui compose l’organisation humaine.

L’age de 12 à 14 ans est celui auquel on commence à les mettre en apprentissage pour des mêtiers.

L’age de 14 à 15 ans est celui ou l’on commence à initier les enfans dans les gros travaux de la campagne.

Age ou l’on commence à travailler au Nord

A Luceram, déjà les enfans ne commencent à être utiles à leurs parens, qu’à 10 à 12 ans ; et ils ne sont propres aux travaux de la campagne que depuis l’age de 15 à 16 ans. A Lantosca et Roccabiliéra, ils ne commencent à être utiles qu’à 12 et 15 ans, et on ne les met au travail qu’à 18 ans. A Saint Martin de Lantosca, ce n’est que de 16 à 18 ans que les enfans commencent à travailler. A Saint Ethienne, Saint Dalmas et dans toutes les communes où la richesse roule sur les troupeaux, les enfans commencent l’état du berger à 8 et 10 ans, et on les met aux travaux des champs à 18 ans.

On se plaint pourtant, en général, dans toutes les communes, tant au Midi qu’au Nord, qu’on fait travailler les enfans trop jeunes ; cependant cet usage est ancien et je ne vois pas qu’on se soit jamais corrigé.

Nulle part, on ne m’a fait et je n’ai fait moi même l’observation dans les communes du Nord, relative au développement des enfans ; ils y sont, au contraire, très mal soignés, au physique et au moral, et très tardifs ; cependant les Français y ont aussi pénétré et même y ont séjourné plus long-tems, mais la guerre y a été plus opiniatre, et ses résultats, loin d’adoucir les mœurs, en ont augmenté la férocité.

Age où l’on n’est plus propre au travail au Midi

Sur la côte maritime et dans la plaine, on est propre au travail durant toute la vie, on voit des vieillards de 70 ans en pleine vigueur, et travaillant comme dans leurs jeunesses ; cet age est, en général, celui ou l’on cesse de travailler dans les terroirs secs et élevés de la partie méridionale, tandis qu’on est susceptible de travailler plus long-tems, là où les champs sont d’une culture facile, comme à Nice et à Menton.

Dans les pays plus froids, à Lucéram, à Tende à La Briga, etc., on commence à n’être plus propre au travail à 60 ans ; je trouve du coté du Nord beaucoup de communes où l’on est déjà très vieux à 55 ans et où l’on est plus propre aux travaux utiles de la campagne.
D’où l’on voit que les époques du travail, dans ce département correspondent à celles de la puberté, comme celles de la cessation correspondent au terme ordinaire de la vie, dans les diverses régions.

La chaleur modérée est donc un principe puissant pour développer et entretenir long-tems, dans leur intégrité, les formes de la vie, en y joignant l’usage du vin et d’une nourriture saine.
Le froid, les fatigues excessives, la privation du vin et la mauvaise nourriture sont au contraire toutes ensembles des nuisances affaiblissantes qui retardent, diminuent et abrègent les diverses fonctions de la vitalité.

Des vices de conformation et des maladies les plus communes dans les diverses régions du département, ainsi que de la médecine usitée

Des vices de conformation

Il y a dans tout le département,
Aveugles n° 40
Sourds et muets 39
Boiteux de naissance 144
Cretins ou imbécilles 146
Goitreux 196

Il serait aussi utile que curieux de pouvoir reconnaître la cause de plusieurs infirmités naturelles et de défauts corporels, plus communs dans certains pays que dans d’autres et de pouvoir les comparer directement avec la nature et les qualités de climat, mais qu’elles que soient nos recherches méthéorologiques, et nos observations sur la position topographique des lieux, je doute qu’on puisse jamais se rendre raison de tout, et spécialement des vices de conformation qui ont pris naissance dans le sein maternel et qui sont de préférence plus fréquens dans certaines régions.

Il est vrai que l’esprit de recherche ayant déjà été poussé très loin, il paraît, au premier abord, qu’il ait déjà plusieurs phénomènes dont on peut se rendre raison, mais le médecin voyageur qui observe dans un pays tout différent ce qu’il avait cru avoir bien expliqué dans un autre sent toute la réserve qu’il doit mettre dans les opinions qu’il énonce et ne les donner que comme des apperçus, tant qu’une identité de faits nombreux ne lui a pas permis de généraliser ses idées.

Nous en avons un premier exemple dans la cécité. L’on m’a assuré dans ce pays, que ce vice corporel était de naissance chez plusieurs, et que chez d’autres il avait paru des la plus tendre jeunesse. Le plus d’endroits où je l’aie trouvé sont les points élevés, secs et chauds : Perinaldo seul a 8 aveuglés. La beauté et la sérenité du ciel, la sécheresse de l’air, l’étendue de pays qu’on découvre de ce point élevé, ont invité à l’astronomie ; Perinaldo est la patrie des célèbres Jean Dominique Cassini, Jacques Phippe, et Jean Dominique Maraldi qui ont fait faire tant de progrés à cette science. J’ai été sur la terrasse où ces grands hommes firent leurs premiéres observations, j’ai vu les instrumens grossiers dont ils commencèrent à se servir. J’ai senti, au saint respect que m’inspirait leur mémoire, aux avantages que ce lieu me prêtait, qu’aussi moi, habitant de Perinaldo, j’eusse osé, dans mes jeunes ans, consulter les cieux.
Mais ce n’est pas le plaisir de considérer les astres qui rend la cécité commune dans ce pays ; il est possible que la sécheresse de l’air y contribue ; il est possible aussi que les petits cristaux dont j’ai parlé, dans ma premiére section, répendus abondamment dans la terre, et dont la vue, au soleil, m’éblouissait, produisent à la longue la cécité chez le cultivateur. On pourrait aussi l’attribuer aux vents d’est, de sud-est, et de sud-ouest qui règnent souvent, ainsi qu’aux brouillards, propres à produire des ophtalmies fréquentes, dans la vallée de la Nervia, et autres.

Cependant, l’on est aussi disposé à la cécité à Isola Buona, lieu enfoncé, où il ne règne presque point de vents, ni de brouillards, mais où les terres contiennent aussi beaucoup de ces cristaux. A Apricale, au contraire, lieu voisin, où il y a aussi de ces cristaux mais qui est un lieu enfoncé, rétréci et humide, la cécité n’y est pas commune.

En passant du midi au nord, on trouve cette maladie assez fréquente dans la vallée de la Tinée à l’Isola et à San Salvador ; ces lieux sont enfoncés dans une gorge étroite, sombre, humide, ventilée par les vents d’est, d’ouest, et du nord, qui suivent les tortuosités de la riviére. Or, l’on y est extremement sujet aux ophtalmies séreuses, et j’y ai rencontré cinq à six aveugles du pays. J’ai rencontré pareillement des fluctions aux yeux, partout où les brouillards marins sont fréquens ; de sorte qu’il pourrait se faire que la cécité des pays secs élevés et chauds comme celle des pays bas, froids et humides, tendent à deux causes différentes. Cependant les cataractes sont extrêmement rares dans ce département. Les opérateurs de passage y ont peu de travail. Son climat ne favorise guère les maladies lymphatiques et soit dit en passant, les fleurs blanches, si fréquentes dans les pays qui donnent naissance aux cataractes, soit une maladie presque inconnue dans ce département, exceptée parmi quelques femmes de Nice.

Ce défaut de naissance, dont j’ai pu découvrir 39 exemples dans le département, est encore plus difficile à expliquer, car j’en ai rencontré dans les positions les plus opposées. Indépendamment de Nice, ou il y en a 15 à ma connaissance, j’en ai trouvé 3 à Isola, dans la Tinée, et 12 dans les différentes communes du Nord. J’avoue pourtant que j’en ai observé davantage, dans les parties méridionales ; il y en a 4 à Menton, 2 à Dulceaqua, 1 à Perinaldo, 2 à Pigna ; par conséquent, avec ceux de Nice, il y en a 24, pour la partie méridionale seulement.

En passant à Vintimigle, ville liguriéne de 3 000 ames dont j’aurai encore occasion de parler, placée dans une plaine seche, ventilée, et très exposée aux broillards marins, j’ai pris, soit à l’hopital, soit des médecins du lieu, des renseignemens sur les maladies endémiques de cette contrée, il m’en est résulté qu’il y avait six sourds et muets de naissance, dont un qui s’était marié avait un des enfans qui parlent, dont l’ainé marié avait eu à son tour, des enfans muets ; ces personnes sont vivantes, et l’observation m’a été confirmée par le commissaire des relations commerciales, français, et divers individus des plus apparens qui ont bien voulu se prêter et être présents à mes recherches.

Ce fait est analogue à ce qui arrive au citoyen Rolland, marchand clinquailler à la Canébiére, à Marseille. Sa femme, depuis son mariage, met au monde alternativement un enfant muet et un enfant qui parle. Que de chose encore obscures !

Du reste, ces sourds et muets du département ainsi que ceux de Vintimille, sont pleins d’intelligence et ne doivent pas être confondus avec les crétins et imbécilles, dont je parlerai.

Boiteux

Au contraire des sourds et muets, les boiteux de naissance sont beaucoup plus communs dans ces contrées froides que dans les chaudes ou tempérées, je n’en ai presque point rencontré dans ces dernières sauf à Nice, ou pourtant le nombre en est rare et à Tourrette, pays élevé, déjà un peu froid, où il y en a 15.

Beuil est la commune ou j’en ai le plus observé un jour de dimanche ; il y en a 40, et l’on m’a assuré, que, de tems immémorials, ce défaut s’était perpétué de père en fils. A Robion, il y en a 8 et j’en observe beaucoup relativement à la population dans toutes les communes élevées et sujettes à avoir beaucoup de neige. Dans les vallées de la Tinée, et d’Entraunes, j’en vois plusieurs aussi ; dans la seule petite commune d’Isola, il y en a 15. Dans celle de Saint Martin d’Entraunes peuplée de 500 ames il y en a 6.

J’ai fait des recherches pour découvrir si ce défaut tenait au rachitisme et j’ai vu qu’il en était séparé. Le rachitisme est peu commun dans les pays froids et secs de ce département. On le rencontre dans les régions tempérées et humides, comme le long du Var et de la Roya. Fontan, hameau de Saorgio, situé sur les rives de cette rivière a beaucoup de rachitiques, et presque point de boiteux, de sorte qu’on est fondé à attribuer au froid joint peut-être au peu de soin qu’on prend des enfans des communes très grossiéres, le défaut fréquent de claudication.

Crétins et goitreux

Je parle en même tems de ces deux maladies parce que je les ai rencontrées ensembles dans ce département comme dans les pays qui ont fait le sujet de mon traité du goitre du crétinisme. Ici, comme dans la Val d’Aoste, la Maurienne et le Valais, elles ne paraissent pas sur les lieux élevés, on n’en rencontre ni à Saint Dalmas le Sauvage, ni au Molinet, ni aux hameaux de Tende et de Briga, placés sur les véritables Alpes. Les lieux maritimes, les points élevés froids et secs, chauds et secs, en sont exemptés, mais on les trouve fréquemment dans les vallées humides du coté du nord et du coté du midi, aux pieds des Alpes secondaires. La vallée de la Visubie est celle ou l’on en voit le plus ; en y entrant, à Lantosca on commence à voir un assez grand nombre de goitres, et 6 crétins parfaits ; à Saint Martin de Lantosca, la plus grande partie de la population a du goitre, et l’on y compte 50 crétins parfaits, et de naissance. On monte à Valdeblora ou l’on ne trouve plus de ces maladies, et l’on descend dans la vallée de la Tinée, ou on les trouve derechef. Jusqu’à Saint Ethienne, ou elles n’existent plus, sauf un seul crétin en général, dans cette vallée les hameaux des communes qui regardent la Tinée y sont sujets et les hameaux élevés et qui regardent le midi en sont exempts. Nous en avons un exemple frappant à la Torre.

Dans la vallée de la Roya, Fontan, hameau de Saorgio, nous en fournit un autre exemple ; il y a beaucoup de goitres et de cretins, tandis que le chef lieu tout voisin, mais élevé, n’en a aucun.

Dans la vallée de la Nervia, on observe à Apricale, lieu enfoncé, comme je l’ai dit, 10 a 12 crétins et divers goitres qu’on n’observe pas dans les lieux plus élevés, les enfans y sont moins développés, plus engourdis, et les adultes plus lourds qu’à Perinaldo ; de sorte que ce nouveau voyage m’a servi à confirmer de plus en plus la théorie que j’ai été le premier à donner de la cause du goitre et du crétisme, savoir qu’elle est dans l’humidité de l’air des vallées, théorie que j’eusse abandonnée si je n’eusse pas toujours rencontré la même identité de faits.

Maladies endémiques

Les principales sont,

Les hernies
Les maladies de peau,
Les écrouelles,
L’épilepsie,
Les fiévres d’accès
Les obstructions des viscères et l’hidropisie
L’asthme sec et humide,
La phtisie pulmonaire

Hernies

J’ai compté dans ma tournée, 202 individus attaqués de hernies, dans ce département. Cette maladie est fréquente dans les vallées, ou un air chaud et humide porte le relachement sur les fibres. La vallée de la Nervia est de toutes, celle, ou il y en a le plus ; à Dolceaqua seulement, on compte 100 hernies inguinales ; à Isola Buona, on en compte 20 ; il y en a, à proportion de la population, à Apricale, Pigna, Roquetta, Dolceaqua ; sur les hauteurs, à Périnaldo et Saorgio, on n’en rencontre point ; il n’y en a pas à Briga et à Tende ; on en rencontre de nouveau dans les lieux plus chauds et humides, comme Fontan et Sospello.

Les plages maritimes n’y sont pas sujettes ; on en voit fort peu à Nice, Villefranche et Menton.
Les vallées froides, quoique humides, ne produisent pas, ou que très rarement cette maladie ; on ne m’en a point fait observer dans les vallées de la Visubie, de la Tinée et d’Entraunes ; j’ai trouvé quelques hernies à Saint Ethienne, mais telles qu’elles sont l’effet de l’effort continuel que la classe la moins fortunée doit faire dans ces montagnes.

De sorte que j’en conclu, au moins pour ce pays, que l’humide joint au froid est moins propre à produire ce relachement que lorsqu’il est joint à la chaleur.

Maladies de la peau

J’ai trouvé diverses maladies de la peau répendues de tems immémorial, dans les vallées de la Visubie, de la Tinée et de la Nervia.

Dans les premiéres, c’est un véritable charbon ou anthrax, qui attaque toutes les maladies du corps, tans de la face que des membres et du tronc. Cette maladie est très rependue ; une trentaine de communes y sont sujettes, sans en excepter Saint Ethienne ; en l’an 9 deux hommes robustes en périrent à Bora, parce que l’anthrax placé sur les muscles et l’artêre sourcilliére, qu’il avait rongé, produisit une hémorragie mortelle. On traite immédiatement cette maladie, par le cautère actuel ou potentiel.

Au premier abord, j’attribuai la cause de cette maladie à la stagnation et à l’humidité de l’air des vallées. Ayant vu par la suite que les communes élevées de toute la chaine du col de Pal et du col Fenèstre y étaient pareillement sujettes, je me rangeai de l’avis des personnes sensées de ces contrées, qui l’attribuent à la malpropreté, et surtout à ce que les habitans se servent pour se couvrir durant la nuit, des mêmes couvertures qu’ils mettent pendant le jour sur leurs bêtes de somme soit pour les défendre de la pluie, soit pour leur servir de bats ; et ce avec d’autant plus de raison, que ces animaux sont aussi eux mêmes sujets au charbon et que les personnes aisées, et qui peuvent se tenir propres, ne contractent pas cette maladie.
Dans la vallée de la Nervia, il y a des maladies de peau d’une autre nature et qui, indépendamment de la malpropreté, paraissent tenir plus essentiellement au climat ; à Dolceaqua, Isola Buona, Apricale, Pigna. L’on est très sujet à une galle rongeante ; et à des dartres soit vives, soit farineuses, auxquelles les gens du pays donnent le nom de mal salso, parce que leur opinion est que ce sont des sels qui leurs sortent par toute l’habitude du corps. Outre ces éruptions habituelles, l’érysipelle et les fluxions sont des tendances extremement communes à toutes les pirexies qui se manifestent dans ces contrées.

Mais ce qui est le pire dans ces maladies de la peau c’est la lêpre, encore dans toute sa vigueur à Pigna et à Castel Franc, village voisin de la Ligurie. Cette maladie hideuse existe à Pigna dans quatre familles, restes des anciennes familles lêpreuses de ces contrées, et qui, par un abus insigne du lieu conjugal, la perpétuent de génération en génération. La lêpre est ici vraiment héréditaire, car elle commence à paraître vers les 25 ans, chez des sujets qui paraissent très sains ; son développement est lent, jusqu’à ce qu’en fin elle aie fait des progrès si violens que le malade en est enlevé à l’age de 50 ans. Il en meurt ordinairement deux à trois personnes, tous les ans.

En considérant, que ces maladies de la peau affectent tous les individus, pauvres et riches, et qu’on ne les connaît pas dans les lieux élevés de la vallée, tels que Perinaldo, ainsi qu’à la Briga, après avoir passé la Tanarde ; on est fondé à les regarder comme des maladies endémiques des bas fonds de cette vallée de la Nervia.

La nature a heureusement mis le reméde tout à coté, si les habitans savent s’en servir car il paraît, par quelques épreuves que j’avais recommandé de faire, que les eaux hydro-sulfurées d’Isola Buona et de Pigna sont fort bonnes dans ces maladies.
Quant à la lèpre, le simple bon sens indique la nécessité d’interdire le mariage au restant des individus attaqués de cette maladie, ou descendant disparus lépreux.

Ecrouelles

Il résulte de mes recherches la quantité de 200 écrouelleux pour tout le département desquels une quinzaine de familles à Nice, tant parmi les bourgeois que parmi les cultivateurs qui habitent le quartier du Var sans compter les enfans de la charité, presque tous écrouelleux par le mauvais régime auquel ils sont soumis.

Les écrouelles suivent dans ce département les maladies causées par des puissances relachantes. On n’en connaît pas même le nom dans les contrées élevées, chaudes ou froides. Il y a quelques écrouelleux dans les vallées d’Entraunes, de la Visubie et de la Tinée. Il y en a davantage, dans toutes les communes basses des vallées de la Nervia et de la Roya, ce qui semblerait indiquer que pour la génération de cette maladie la chaleur humide est plus efficace que le froid. Je ne saurai même lui attribuer d’autres causes primitives, car, quand je considère les soins qu’on donne généralement aux enfans dans tous les villages du département, je trouve qu’ils sont bien plus recherchés dans la partie méridionale que dans la septentrionale, où les mœurs sont plus grossières et la nourriture plus mauvaise. Nous avons à 4 heures de Nice, le village important d’Aspremont divisé en plusieurs hameaux, dont les uns regardent le Var et les autres sont situés au coté opposé ; il n’y a dans ces derniers que les maladies qui attaquent les fibres fortes, au lieu que dans les premiers on trouve nombre d’écrouelleux, de crétins, et autres maladies dans le détail desquelles nous allons rentrer.

Epilepsie

Le nombre des épileptiques dans le département se monte à 100 environ. Torrette à 3 heures de distance de Nice, sur la hauteur, est le pays ou il y en a le plus et où l’épilepsie est la maladie chronique dominante car il y a 30 individus, de tout sexe et de tout age, attaqués de cette maladie. La commune est batie au milieu d’un joli petit vallon, fait en conque, tout ombragé d’oliviers, exposé aux vents du sud-est et de sud-ouest, et surtout aux brouillards, dans la saison du printemps et de l’automne, lesquels viennent de la mer le long du Var, et enfilent une gorge qui aboutit à cette rivière, d’où ils entrent dans le vallon de Torrette, pour y séjourner long-tems favorisés par la nature du lieu.

J’ai été d’autant plus surpris, au premier abord, de cette quantité d’épileptiques, que je venais des montagnes du nord et de l’ouest, ou je n’en avais rencontré aucun sauf à Saint Ethienne, où l’on m’en a déclaré 3 à 4. En échange, il y a dans les vallées froides beaucoup de femmes histériques.

M’occupant ensuite de la commune d’Aspremont, j’ai appris du médecin du lieu qu’il y en avait également quelques uns dans les hameaux sis sur le Var, et qu’il n’y en avait point dans les hameaux élevés, écartés de cette riviére et tournés à l’est.

Mais en parcourant l’arrondissement de Monaco, j’ai eu occasion d’en observer dans toutes les communes exposées aux brouillards, sur tout dans la vallée de la Nervia, et l’on m’en a fait remarquer, non seulement dans les lieux bas, mais encore dans les lieux élevés. A Perinaldo, il y en a cinq ; il y en a 10 a 12 à Pigna ; Apricale, commune située à peu près comme celle de Torrette, en compte 12 ; Monaco en a 4.

Or, en réfléchissant sur la position des lieux où j’ai observé le plus de ces maladies, et en considérant que ce sont précisément ceux qui sont très exposés aux brouillards qui s’élèvent de la mer, comme toute la cote maritime, depuis le Var jusqu’à Menton, et dans toute la vallée de la Nervia, (ces brouillards ne pouvant pénétrer dans les vallée de Roya et de Paglion, à cause de la position des montagnes), il m’a paru qu’on pourrait avec quelque fondement (qu’il ne convient pas de discuter ici) leur attribuer la cause de l’épilepsie et autres maladies convulsives plus fréquentes dans la partie méridionale que dans la septentrionale. Ces brouillards, en effet, comme je l’ai dit dans la première section, grimpent très haut le long des colines et des montagnes, s’attachent à tous les corps secs, sans les rendre décidément humides, et agissent évidemment sur les sens de l’ouie, du goût et de l’odorat, comme j’ai dit l’avoir éprouvé moi même ils sont enfin irritans, et même caustiques, d’après leurs effets sur les végétaux.

Fièvres d’accès

Ces fièvres sont très multipliées, au printems et en automne dans toute l’étendue du département, sauf dans les régions froides, où il est rare de les voir, si nous en exceptons Saint Martin de Lantosca, commune très humide.

Toute la cote du Var, depuis Bonson jusqu’au terroir, quartier dit du Var, est tellement mal sein, qu’il suffit souvent d’y aller chasser, ou d’y aller faire une journée de travail, pour prendre la fiévre. Les bergers de la Briga et de Tende, qui y conduisent leurs troupeaux dans la saison de l’hiver, y contractent ordinairement ces fiévres dont ils guérissent, en allant respirer l’air natal, sans autre remède, car dans ces communes jamais les fiévres d’accès n’ont paru, excepté qu’elles ne soient venues de dehors.

Le quartier de Riquier est une autre partie du terroir de Nice où les fiévres d’accès sont fréquentes. Les bras d’eau qui sortent de la montagne de Mont-Boron, ou qui sourdissent à niveau du sol des campagnes qui sont à sa base, retenus par le peu de pente des prairies, par la multitude des rigoles, par les fossés permanents destinés au rouissage, font de ce quartier un sol fangeux et mouvant duquel il s’élève en été des vapeurs qui infectent tout le voisinage, et qui donnent lieu à des fièvres périodiques souvent pernicieuses.

Sospello, entouré de torrens et de ruisseaux qui aboutissent à la Bevera, rivière d’un cours lent et stagnant en été, couronnée d’ailleurs presque constamment par les brouillards marins qui franchissent à midi le col de Castillon pour se répendre sur la surface interne des montagnes qui entourent la vallée, cette ville, dis-je est extremement sujette aux fièvres d’accès et de l’aveu de tous les vieillards, elle en était infiniment plus affligée avant qu’on eut donné cours à un grand nombre d’eaux stagnantes qui entouraient ses murs et ses maisons de campagne.
Le hameau de Fontan dans la vallée de Roya, et toute la vallée de la Nervia sont en proie, tous les ans, aux fiévres d’accés. On n’en est pas surpris, dans un sol humide et enfoncé, ou l’on est forcé de faire des étangs artificiels pour donner une chute d’eau suffisante aux moulins d’huile, et où les eaux courantes sont chargées de l’extractif à moitié pourri des olives.

Mais l’on est étonné d’en observer sur les points les plus élevés et tellement secs qu’à peine la commune a-t-elle une petite source pour désaltérer ses habitans ; Torrette, Levens, Roquebrune, Gorbio, Castillon, Saint Agnes, Castellan, Périnaldo sont des communes annuellement sujettes à ces fiévres ; Villefranche, commune par sa nature d’une sécheresse extrême, Menton et Vintimigle, pays sans marécages et sans eaux stagnantes en sont affligés tous les ans et d’une manière souvent même pernicieuse, la fièvre se changeant en rémitente maligne, ou prenant ces formes bizarres que l’illustre Torti à si bien décrites.

En examinant la chose de près, on voit que si ces communes n’ont point d’eaux stagnantes, elles sont en échange recouvertes une partie de l’année de ces brouillards dont nous avons déjà tant parlé ; et on ne peut se refuser à l’idée que ce sont eux qui produisent les mêmes effets.

J’ai pour principe de me défier des médecins dont je ne connais pas l’instruction, parce qu’ils mettent leurs petits systèmes à la place du vrai ; j’en appelle alors à l’opinion des anciens, opinion qui trompe rarement sur des choses aussi intéressantes que la santé, parce qu’elle est fondée sur une longue observation ; or j’ai appris dans toutes les communes que je viens de citer que le pays était d’autant plus exempt des fiévres d’accès et d’autres maladies, que les brouillards étaient moins fréquens. L’été de l’an X, par exemple, a été sain parce que ces brouillards se sont montrés plus rarement et qu’ils ont été plutôt dissipés. Peglia, située de maniére que les brouillards n’y pénétrent pas, quoiqu’à un quart d’heure d’une contrée, où ils dominent, ne connaît les fièvres d’accès que parmi ceux de ses habitans qui passent la saison d’été sur les bords stagnants de Paglion.

Ce n’est donc pas par la quantité, mais par la qualité que les effluves morbifiques exercent leur puissance sur l’économie animale.

Du reste, il m’a été également assuré dans les communes élevées qu’on était moins sujets à ces fiévres dans les étés où il y avait beaucoup de fruits lesquels ne produisent cependant pas les mêmes effets dans les pays bas, or il y a toujours beaucoup de différence que les gens de l’art ne peuvent manquer de savoir apprécier.

Il paraît en effet assez constant que la chaleur qui exalte les sucs bilieux est susceptible de produire seule des fiévres d’accés mais avec un carractère différent de celle de l’humidité et que les fruits y remédient en faisant couler la bile : ainsi nous avons plusieurs causes de ces fiévres, qui exigent des traitements variés, comme la pratique le prouve aux médecins de ces contrées.

 

Obstructions et hidropisie

 

Les obstructions des viscères du bas ventre et l’hidropisie sont des maladies extremement fréquentes dans toutes les vallées soit méridionales, soit septentrionales du département. L’obstruction suit ordinairement les fiévres d’accés dans tous les lieux humides ; dans le quartier du Var, au second ou au troisiéme accès, la maladie s’est déjà portée ou sur le foie ou sur la rate, particulièrement sur cette derniére, ou le malade éprouve une douleur vive qui est ce qui l’incommode le plus. Dans les contrées sèches et dans les points élevés, l’obstruction n’a jamais, ou que très rarement lieu. La force et l’élasticité des fibres s’opposent d’une manière évidente aux fluctions viscérales.

Dans beaucoup d’endroits les obstructions ont lieu indépendamment des fiévres : elles sont fréquentes à San Salvador, à Saint Martin de Lantosca, à Dolceaqua, à Apricale, à Pigna, à Fontan, à Sospello ; telle est la nature du climat mou de cette dernière ville, que dans toutes les maladies, les fibres se prêtent à des fluxions chroniques, à des stagnations ; la polysarcie du ventre, l’enflure aux jambes y sont fréquentes.

L’hydropisie suit les obstructions ; ainsi terminent leurs carriéres la plupart des habitans des lieux humides. Mais j’ai trouvé aussi cette maladie dans les contrées élevées, sèches et froides. Elle est fréquente à Beuil, à Peaune, à Bouchoniéres hameau de Guilleaumes. Le citoyen Salicis, maire et chirugien de Péaune, m’a fait observer que son pére qui avait exercé pendant 40 ans le même état que lui avait remarqué que ces contrées étaient autre fois extrémement sujettes à la phthisie pulmonaire et que cette disposition s’était changée en celle de l’hidropisie.

Recherchant les causes soit de ce changement, soit de cette disposition à l’hydropisie, j’ai bien remarqué comme on l’a vu au chapitre du climat qu’il paraissait que le pays était devenu plus froid, mais je n’ai pas vu qu’il fut plus humide. D’une autre part, considérant les maladies inflammatoires auxquelles ces peuples sont sujets à cause des travaux excessifs de l’agriculture et de l’inconstance des saisons, je suis porté à ranger cette hydropisie dans la classe des hydropisies aigues ou dans celles qui sont la suite des affections inflammatoires soit de la poitrine soit de viscères du bas ventre.

Asthme sec et humide

Le sentiment que je viens d’adopter relativement à la cause de l’hydropisie des habitants des lieux élevés me paraît d’autant plus fondé que je trouve l’asthme sec ou humide y être tellement commun, depuis l’age de 50 à 55 ans, que c’est là l’affection morbifique de laquelle périssent la plupart des vieillards. Cette maladie est absolument propre aux lieux élevés, comme celles dont j’ai parlé précédemment le sont aux bas lieux, et parmi les lieux élevés ce sont particuliérement les positions septentrionales et alpines qui y sont le plus disposées. J’ai fait les plus exactes recherches dans les parties méridionales et je n’ai rencontré cette maladie que dans les endroits où les habitans sont exposés à des montées très rudes, comme à Saorgio. Encore ai-je lieu de craindre que l’on n’aye confondu la simple dispnoée, avec l’asthme, maladie qui suit des périodes réglées, et qu’on m’a dépeinte avec ces carractéres dans les régions froides telles que Saint Ethienne ou elle est très commune. On peut donc croire que l’air sec et froid est plus apte à produire cette affection sur les organes respiratoires que la circonstance contraire.

Phtisie pulmonaire

La phtisie pulmonaire est une maladie très commune dans ce département :
- 1er Nice, Villefranche et toute la cote maritime sont très funestes aux poitrinaires, desquels on en voit plusieurs, surtout à Nice. J’ignore pourquoi les anciens médecins renvoyaient les phthisiques sur les plages maritimes, car de nos jours toutes les observations des bons médecins praticiens qui habitent les cotes françaises de la méditerranée, tendent à prouver que l’air marin est contraire à ces maladies. J’en avais vu un grand nombre à Marseille, et je croyais que l’air trop sec et trop vif de cette ville était peut être ce qui influait si désavantageusement sur la maladie ; l’air plus chaud, plus mou et plus humide de Nice, ne lui est pas plus avantageux ; les individus de plusieurs familles indigênes attaquées héréditairement de phthisie tuberculeuse périssent tous dans leur jeune age ainsi qu’à Villefranche à quelque distance de la cote. De maniére qu’une montagne sépare les communes de la direction des vents marins, on ne rencontre plus de phthisies héréditaires ; ainsi il n’y en a point à Peglia, Peglion, Sospello, Scarena, Luceram.

Quoique l’on en dise sur la fixité des sels neutres, il est indubitable que des principes muriatiques s’élèvent de la mer et se portent à une certaine distance ; ces sels se sont constamment rencontrés dans les analyses de végétaux qui avaient été cueillis à plus de 300 mêtres dans l’intérieur des terres ; ils entrent, ainsi que je l’ai déjà fait voir, comme parties essentielles de leurs sucs ; indépendamment des variations brusques de l’atmosphêre, décrites au chapitre du climat, serait-ce à ces principes, (soit à l’acide muriatique seul ou combiné) que l’on doit la fréquente formation, la prompte inflammation et suppuration des tubercules, ainsi que l’emophtisie également fréquente, dans ces contrées ?

- 2e J’ai trouvé la phthisie également fréquente à Breglio, lieu assez distant de la mer, indépendamment du jugement que j’avais pu porter, en examinant les physionimies des habitans de ce joli village, le curé m’a fait remarquer, en traitant avec lui des maladies dont les parroissiens mouraient le plus (ainsi que je l’ai fait dans tous les villages, parce que dans les petits pays ces indications sont les plus sures), le curé, dis-je, m’a fait remarquer que c’était de cette maladie qu’on mourait le plus souvent, de l’age de 20 à 35 ans, et qu’il y avait plusieurs familles où cette maladie était héréditaire. Or, en se rappellant de ce que nous avons déjà dit dans la première section sur la position topographique de Breglio, on voit que cette commune est constamment rafraichie par un vent humide de sud-est qui enfile la gorge de la Roya et qu’elle est privée du soleil levant par l’ombre d’une montagne, position qui a été observée par les médecins, propre aux engorgemens glanduleux, et par conséquent à la formation des tubercules. Cependant je ne répondrai pas qu’une partie de ces phthisies pulmonaires ne puisse aussi être l’effet de la cause suivante.

- 3e Les poids énormes que les paysans portent sur leurs épaules à des distances considérables, les montées rapides qu’ils doivent franchir continuellement, et l’inconstance de l’air, sont des causes puissantes pour déterminer sur des sujets vigoureux des maladies inflammatoires à la poitrine, lesquelles étant négligées ou mal traitées, produisent des vomiques. Ce second genre de phthisie pulmonaire est aussi extremement commun ; on me l’a fait observer dans tous les lieux élevés et dont la culture est pénible, sans qu’il y ait d’ailleurs aucune disposition héréditaire à la phthisie pulmonaire.

Rhumatisme et goutte

Il n’y a à ma connaissance, dans ce département, aucun exemple de calcul de la vessie ; la goutte et le rhumatisme y sont fort rares. Menton a été la première commune où l’on m’ait parlé de rhumatisme ; on m’en a fait aussi observer à Perinaldo et à Tende, mais en passant à Vintimigle, j’y ai appris, avec quelque étonnement, que les habitans de cette petite ville étaient fort disposés à la goutte, dont mon aubergiste était le premier exemple. On me compta jusqu’à vingt personnes qui étaient attaquées, pauvres et riches, desquelles j’en ai vu plusieurs avec les marques sur les articulations. Il me fut d’abord difficile de reconnaître la cause de cette disposition singulière ; le sol et le climat ne diffèrent guère des autres contrées maritimes que je venais à visiter. Enfin, recherchant la nature des alimens, j’ai vu que le vin de Vintimigle, vin excellent, est un vin clair et couleur pelure d’oignon et très fumant, très capiteux, naissant sur des rochers schisteux, calcaréo-magnésiens. Il m’a paru, faute d’autre indication, qu’on pourrait peut être attribuer à l’usage de ce vin cette disposition gouteuse, et que peut-être aussi Menton et Perinaldo qui récoltent un vin analogue, quoique ni aussi bon, ni aussi clair, ni aussi fumant, pourraient bien lui devoir la disposition de leurs habitans en rhumatisme.

Mais ces cas étant rares, on peut dire en général, que le climat des parties maritimes des Alpes dont je parle est très favorable à la guérison ou à l’assoupissement des douleurs artritiques, la tendance de la vie étant beaucoup de porter à la peau et vers les organes respiratoires.

Chlorose

Je vais terminer cet article par parler d’une maladie que je n’ai pas insérée non plus que la précédente, dans la note générale, à cause de leurs raretés, c’est la chlorose : on m’a fait observer à Perinaldo que presque toutes les filles, à l’époque de la puberté, c’est à dire de 12 à 13 ans, étaient attaquées de cette maladie qui les fesait beaucoup souffrir. Nulle autre part au nord ou au midi, on ne m’a fait faire cette observation dont les sujets qui m’ont été présentés, confirment la vérité. Bien loin de là, qu’au contraire j’ai appris partout que la première menstruation était assez facile.

Si on remet devant ses yeux la position de Périnaldo en considérant en outre que les jeunes personnes y sont livrées à des travaux au dessus de leur age, on trouvera facilement la cause de cette disposition dans la rigidité extraordinaire des fibres, rigidité qui probablement est cause qu’il y a toujours quelque femme stérile dans cette commune, où il y en avait trois, au mois de messidor au 10, époque où j’y ai été ; quoique cependant cela n’influe en rien sur la fécondité des autres femmes, qui, au contraire, est très grande.

 

Maladies accidentelles

 

Les principales sont,

Les fievres épidémiques et contagieuses,
La petite vérole,
Les fiévres putrides et vermineuses,
Les affections inflammatoires,
Les fiévres
Les fiévres exauthématiques,
Les flux intestinaux

Fièvres épidémiques et contagieuses

Il est à croire que la population du département s’est renouvelée plusieurs fois, a en juger par la quantité de pertes et d’épidémies qu’il a éprouvée, et par le peu de progrés qu’y a fait même de nos jours l’hygienne publique. L’historien de Sospello et les divers registres anciens nous apprennent que la peste a désolé 34 fois ce pays depuis le VIe siécle en étendant ses ravages partout et en y séjournant quelques fois plusieurs années de suite. Il est vraisemblable que l’on a souvent compris sous le nom de pestes, dans les tems anciens, des simples fiévres épidémiques, autrement le pays eut été entiérement désert. Mais d’une autre part, quoique plus bénignes que la véritable peste, ces épidémies contagieuses ont du emporter beaucoup de monde, chez un peuple grossier, qui, dans l’épidémie de l’an VIII, a encore employé, dans l’intention de se préserver, les moyens reconnus les plus efficaces pour propager la maladie.

Nice et son département, comme pays frontières, sont exposés dans toutes les guerres qui ont pour but la possession de l’Italie, à en être, quelque tems, le théatre et par conséquent à être infectés des fiévres contagieuses qui regnent au milieu des camps et des hopitaux. C’est le sort qu’ils ont éprouvé presque toutes les fois que les armées les ont visités. En 1735, une maladie de cette nature enleva à la ville de Nice 3 000 habitants, et fit un dégat immense dans tout le département. La guerre dont nous venons d’avoir le bonheur de sortir, produisit deux épidémies terribles, celle de l’an III et de l’an VIII, dont le propre a été d’enlever les hommes vigoureux, ainsi que je l’ai déjà dit dans cet ouvrage, et comme je l’ai rapporté dans l’histoire imprimée que j’ai donné de cette derniére épidémie.

La premiére épidémie fut moins meurtriére dans la ville, et le fut davantage dans les petits villages de la montagne ou les armées séjournaient. Saint Ethienne en eut sa population très diminuée, d’autant plus qu’elle y séjourna trois ans ainsi que dans d’autres communes environnantes. L’epidémie de l’an huit a particuliérement exercé ses ravages dans un cordon de 13 a 14 lieues autour de Nice, c’est à dire partout où l’armée battant en retraite a pris des positions ; et j’ai encore trouvé l’année passé des villages, où il y avait des restes de cette maladie.

Ce long séjour de la contagion est facile à expliquer ; le pauvre habitant des campagnes, mal propre et ignorant de la nature, non seulement ne détruit pas les vétemens de laine et autres qui ont été à l’usage de ceux qui sont morts, mais encore il ne les lave pas avant de s’en servir. Une famille entiére n’a souvent qu’une ou deux couvertures et un seul lit pour son usage ; on couche la nuit d’après sur le même grabat et dans le même linge, dans lequel un malade a expiré la nuit précédente ; les enfans se revêtent immédiatement des habits du père. On s’assemble dans les temples ou dans les lieux publics avec ces habits infectés ; enfin, on ne fait rien pour circonscrire la contagion. On fait, au contraire, tout pour la reprendre ; de là vient qu’elle ne s’arrette que lorsqu’elle n’a plus d’aliment ou que sa puissance est épuisée car enfin, il faut croire que l’activité des virus n’a qu’un terme. Autrement chez les peuples malpropres et sans précautions, elle agirait jusqu'à ce qu’elle eut moissonné la population entiére. Il faut convenir, il est vrai, que par suite d’une disposition qu’on n’explique que par des hippothéses, certains virus n’attaquent que des constitutions données ; ainsi dans l’épidémie de l’an VIII plusieurs communes ayant perdu leurs hommes les plus robustes, la maladie s’est mitigée.
Il résulte de là que dans de semblables contrées on ne saurait être trop attentif à prévenir la contagion et à la circonscrire, par tous les moyens sanitaires et administratifs, lorsqu’on a eu le malheur de la laisser pénétrer ; car hors de ces causes étrangéres, le climat des Alpes Maritimes n’est pas plus propre qu’un autre à produire les fibres contagieuses ; on a même du voir, par tout ce que j’ai dit précédemment, qu’il est plutôt salubre et favorable à la longévité.

Petite vérole

La petite vérole est une maladie qui, lorsqu’elle paraît dans une commune, y fait ordinairement de grands ravages. Elle a paru, en l’an X, au petit village de Peglion, et sur 70 variolés, elle en a fait périr 24. Elle a emporté en l’an IX le quart des enfans à Contes ; et la perte la plus modérée dans tous les lieux où elle paraît est de 6 par 100.
Heureusement cette maladie paraît rarement et il faut voyager dans les villages reculés et peu fréquentés de ce département, pour décider la question si la petite vérole est une maladie qui doive nécessairement avoir l’espêce humaine. On y trouvera dies exemples multipliés de très longues vies, sans avoir jamais eu cette maladie. A Rimplas, petit et mauvais village de 200 ames sur une hauteur entre la Valdeblora et la Tinée, aucun vieillard ne se rappellait de la petite vérole quant un natif du lieu habitant en Provence l’y apporta, en 1793, en venant visiter son pays qu’il n’avait vu depuis longtems. Il tombe malade ; il est couvert de boutons ; il meurt ; la contagion se propage, avant que les habitans ayent reconnu la nature de la maladie. Il y a eu en l’an IX à Rora une épidémie de cette nature qui n’avait pas paru depuis 20 ans, et qui a fait périr 30 enfans. A Robion, personne ne s’est rappellée de l’époque où la petite vérole a été dans la commune. A Bueil, elle n’y paraît, d’après le calcul du curé et des principaux habitans que de 15 en 15 ans ; la plus grande partie de la population meurt sans l’avoir eu, et elle ne paraît jamais que quand elle est apportée par quelque berger de Provence. Dans plusieurs autres petites communes reculées au nord, on ne s’est pas rappellé de l’avoir vue. Dans la vallée de la Nervia, plusieurs communes n’ont pas vu la petite vérole, depuis 10 ans, et il n’y a que Pigna où cette terrible maladie est souvent meurtrière. Elle l’a été en l’an X, et ce qui prouve qu’on est susceptible de cette contagion à tout age, c’est qu’elle y a été funeste dans le mois de germinal de cette année à un vieillard de 75 ans.

Ces faits prouvent évidemment que dans les communes reculées, n’ayant que peu de point de communication avec les étrangers, la petite vérole est purement une maladie accidentelle, ainsi qu’elle le fut pour la premiére fois chez les habitans du nouveau monde. Je m’étais attaché à rechercher de quel coté la petite vérole est le plus meurtrière lorsqu’elle paraît, dans les régions froides ou dans les régions chaudes. J’ai trouvé deux à trois communes dans cette derniére classe où la proportion des morts avait été considérable, quoique la maladie n’eut régné qu’en hiver, mais en général elle se montre plus bénigne dans ces derniéres contrées. A Péglia, par exemple, comme batie sur des rochers arides, et continuellement échauffé des rayons du soleil, sur 300 variolés qu’il y a eu en l’an IX, il en est mort 14. Sur toute la cote maritime, quoique je n’aye pu avoir la proportion des morts parce qu’il y a longtems que la petite vérole n’y a pas été épidémique, on m’a assuré qu’elle y était généralement bénigne.

Roquebrune dont la situation est extremement chaude, a rarement cette maladie et elle y est toujours bénigne. A Lantosca, au contraire ou elle a été aussi épidémique, en l’an IX, sur 100 enfans il en est peri 45. Or, en comparant les rapports que j’ai obtenu la dessus dans les contrées les plus chaudes avec ceux que l’on m’a fait dans toutes les parties septentrionales où l’on s’est plaint généralement de la violence de la petite vérole, lorsqu’elle paraît, il semblerait qu’on peut en conclure qu’une température douce est plus favorable à sa guérison ; opinion qui, d’ailleurs, sera encore justifiée parce que nous dirons des maladies inflammatoires, au nombre desquelles on ne peut refuser de placer cette maladie.

Fièvres putrides et vermineuses

Les fievres putrides ou saburrales avec un état de faiblesse, par sympathie, sont extrémement communes dans tout le département. Les vers, en abondance, les accompagnent toujours ; l’impureté des premiéres voies produit différens phénomènes qui simulent parfois, l’inflammation ; elles paraissent même souvent épidémiquement, mais sans contagion. Elles manquent rarement de s’annoncer plus ou moins tous les ans, sur la fin de l’été, dans les vallées humides, soit au nord, soit au midi, on les attribue avec raison, à la mauvaise nourriture. Comment ces maladies ne naitraient-elles pas, lorsque le peuple est obligé de se pourvoir de blés avariés, contenant souvent autant d’insectes que de graines ?

L’on prétend qu’elles étaient moins fréquentes avant la guerre, 1èrement parce que l’on avait de meilleurs blés ; 2èmement parce que le peuple, buvait plus souvent du vin, boisson nécessaire pour donner du ton à l’estomac, et l’aider à digérer les pommes de terre et les figues qu’on est souvent forcé de substituer au pain.
Du reste ces maladies sont peu meurtriéres ; les évacuans employés à tems suffisent pour les guérir.

On voulait me persuader dans quelques communes que ces maladies avait une période déterminé. En remontant aux années où elles avaient paru j’ai vu que c’étaient celles des mauvaises récoltes ou de tout autre accident, qui, amenant la misère, avaient forcé le peuple à une mauvaise nourriture, et que d’ailleurs les familles aisées en sont ordinairement exemptées.

Affections inflammatoires

Les maladies inflammatoires sont pareillement très communes, elles suivent dans leur intensité la nature du climat et la force relative des fibres de pleurisie est la plus fréquente. Dans les communes élevées, sèches et froides, cette maladie est terrible ; elle l’est moins dans les plaines des vallées ; elle l’est moins encore dans les régions chaudes ou tempérées sur toute la cote maritime, et en particulier à Menton. L’inflammation cède facilement à Sainte Agnès, à Castellar et Périnaldo, pays chauds, secs et élevés. On est très sujet aux maladies inflammatoires dans la vallée de la Nervia et dans celle de Bévera. A Sospello, on y est sujet aussi, mais tous les gens de l’art conviennent que s’il faut trois saignées pour résoudre une pleurisie d’un habitant de Perinaldo, de Sainte Agnès, de Castellar, ou de Castillon, au dessus de Sospello, il n’en faut qu’une pour les habitans de Menton, Dulceaqua, Isola Buona, Apricale, Roquetta, Sospello, etc., tant est grande la différence d’action de réaction de la fibre animale des lieux élevés d’avec celle des lieux bas, des régions froides d’avec celle des régions chaudes.

Fiévres catarrales et exanthématiques

Les dispositions du climat ne favorisent pas moins les affections catarrales, dans toutes les vallées et sur les bords de la mer ; elles sont ordinairement accompagnées d’éruption à la peau ; la fiévre scarlatine a été pendant l’hiver de l’an X presque générale à Nice, tant chez les enfans que chez les grandes personnes.

Flux intestinaux

La grande irritabilité du tube intestinal est encore un caractère que j’ai trouvé différentier l’habitant des régions méridionales et orientales du département, d’avec celui d’autres régions ; ce caractére rend les coliques venteuses faciles et fait que le premier est purgé avec des médicamens dont la qualité et la quantité ne feraient absolument rien sur le second. Il en résulte pareillement que le choléra morbus est très fréquent durant les grandes chaleurs de l’été, affection peu connue dans les régions froides. Il y a eu durant l’été de l’an X un grand nombre de ces maladies à Nice et dans les communes environnantes. L’opium employé par mes conseils a produit un très grand bien chez plusieurs malades, tandis que la maladie empirait par les anciennes méthodes.

Maladies dont on meurt plus communément

Nous avons vu au chapitre précédent que l’époque des plus grandes chaleurs est aussi celle de la plus grande mortalité, nous avons donc du rechercher de quelle manière cela se fait, et nous avons trouvé que la tendance des maladies dans ce pays est déterminée vers les poumons ; c’est là l’organe qui finit toujours par s’engorger et par faire périr le malade. Or, dans les chaleurs de l’été, la raréfaction du sang produisant une pléthiore al vaso favorise encore plus cette détermination tandis que les forces vitales épuisées par des sueurs continuelles s’opposent à la vivacité de la réaction qui serait nécessaire pour la libre circulation des humeurs. Ainsi cette même chaleur qui est le principe de la longévité lorsqu’elle est modérée ou que les vaisseaux non encore affaiblis peuvent lutter contre ses effets, est aussi le principe de la destruction quand elle est excessive, ou que quelque disposition maladive ne permet plus de résister à son action.

Les propriétés spécifiques de l’air à Nice sur quelques maladies

A Nice, les plaies de tête guérissent facilement, celles des jambes au contraire, sont extrêmement opiniatres.

Tous les ulcères, en général sont rebelles, et la gangrène les prend facilement ; les écrouelles des piémontais guérissent quelquefois ; celles, au contraire, du pays ne guérissent jamais ou que très rarement.

La maladie vénérienne y est très bénigne et se guérit avec la plus grande facilité, à moins qu’elle ne soit fort invétérée.

De la folie

Quoique l’épilepsie ne soit pas rare, cependant le département ne fournit qu’un très petit nombre d’aliénation d’esprit et il n’a jamais eu d’hôpital de fous. Je n’en connais qu’un à Sospello, un à Villefranche, un à Lucéram et deux à Nice. Cette disparité si grande avec les autres départements méridionaux de la France me paraît tenir à la diversité du caractère moral et me prouve que les passions humaines ont plus de part à la génération de la folie que l’influence du climat.

Conclusion

Je trouve à la fin que je n’ai rien dit de neuf. Les mêmes circonstances produisent partout sur le physique de l’homme les mêmes effets. Mais la répétition de tableaux, où l’on voit ce que peut le climat, facilite tellement la science médicale qu’en connaissant les propriétés d’un pays, le médecin judicieux devine d’avance et la constitution et les maladies de ses habitants.

Médecine des Alpes-Maritimes

Il y a dans tout le département, 44 médecins et 86 chirurgiens, légalement reçus, sans compter une nuée d’empiriques sans titres et sans capacité, qui s’accomodent aux préjugés populaires, sont encore plus en vogue que les premiers.

Il est vrai qu’excepté à Nice, Villefranche, Menton et Sospello, le peuple fait peu usage de la médecine ; soit défaut de confiance, soit parce qu’il n’est pas en état de payer. Les médecins, il les appelle rarement dans les maladies ; persuadé que les jours de l’homme sont comptés, et qu’il n’en est ni plus ni moins. Dans plusieurs villages des montagnes, au pied des Alpes, jamais on n’a recours à la médecine mais l’on se traite soi même, par des remédes tirés du régne végétal. Comme les premiers travaux de l’homme dans ces contrées commencent par la profession de berger, et que cette vie est très favorable à la connaissance des plantes auxquelles la tradition a attribué quelque vertu, presque tous connaissent les plantes médicales. Les guides qui m’accompagnaient pour me faire voir les mines et autres raretés, ne manquaient pas, de me montrer les diverses plantes usitées dans leurs maladies, et la maniére dont ils s’en servaient ; leur description était bien souvent analogue à celle de nos matiéres médicales, et leur matiére médicale est absolument aussi analogue à celle des habitans des Alpes, de la Savoie et de la Suisse. De la véronique, la carline, le jenepis, l’angélique, et autres plantes chaudes sont employées comme sudorifiques dans la pleurisie et autres maladies aigues, et le plus souvent avec autant de succés que par la méthode contraire
J’avoue que les vrais médecins étant des hommes si rares, il vaut mieux dans le doute, se fier à la nature ; mais des faits nombreux prouvent aussi que cette rêgle poussée trop loin n’est pas sans danger, et l’on a vu dans les articles précédents que la pleurisie est souvent une cause de phthisie pulmonaire pour avoir été négligée ou mal traitée, ce qui arrive pareillement dans toutes les autres contrées montagneuses où l’on est privé du secours de la médecine.
Du reste, la thérapeutique de ce pays est très simple ; elle consiste presque entiérement dans la saignée, la purgation, et la diéte absolu. Aussi les chirurgiens, privés de cas chirurgicaux qui sont extrêmement rares, sont-ils presque les seuls en possession de la médecine intense. Heureux le peuple s’il savait manier à propos, leurs deux grands et presque uniques moyens médicinaux.

De la saignée, bien qu’elle fait

Ce remède fait dans ces contrées beaucoup de bien et beaucoup de mal ; je ne crains pas de dire qu’il est absolument nécessaire dans un grand nombre de circonstances et qu’il est le spécifique naturel de plusieurs maladies du pays sans lequel elles ne guériraient pas. J’ai exposé précédemment la tendance qu’a le sang à la raréfaction et à se porter vers les organes respiratoires pour les engorger ; la saignée, comme évacuant, produit souvent les meilleurs effets, même lorsqu’il n’y a qu’une pléthore par expansion, en second lieu, vu l’irritabilité du tube intestinal. J’ai vu maintes fois que ni tisannes, ni luxatifs, ni lavemens, ne pouvaient passer, si l’on ne faisait précéder la saignée qui agissait alors immédiatement comme un calmant universel.

Que de fautes n’ont pas été commises par des gens de l’art étrangers, qui, non accoutumés aux pays méridionaux, et conduits par des systèmes opposés, ont tourné en ridicule l’usage de la saignée ? Mais l’expérience l’a proclamée de tems immémorial sur les cotes de la méditerranée comme remêde salutaire. Est-il à présumer qu’on ne l’ait pas abandonné, si on l’eut découverte nuisible ? Les opinions de quelques hommes qui peuvent avoir raison dans leurs pays pouvait-elle balancer ce que le climat demande d’un art purement expérimental ?

Maux que la saignée fait

Je vais dire à présent le mal que la saignée fait c’est qu’on l’emploit indifféremment, en toute occasion convaincus que le climat la demande, et comme si les maladies ne présentaient aucune autre indication, ou que la thérapeutique n’ait fait aucun progrès depuis la découverte de la saignée et des purgatifs. La plupart des médecins et tous les chirurgiens croiraient manquer aux rêgles s’ils ne commençaient par la. Ni age, ni sexe, ni tempéramment, ni nature du sol ou de la maladie, rien ne les arrête ; on soigne pour les fiévres d’accés, pour les obstructions qui en sont la suite, pour les hidropisies ; dans les vallées humides, comme dans les lieux secs et élevés, dans un appauvrissement de sang, faute de nourriture, comme dans la pléthore sanguine. On les voit souvent, après avoir fait et répété la médecine de Molière, ne savoir plus ou diriger leurs pensées, si ce n’est vers les thériaques, mitridates, confection, hyacinthe etc., comme derniére espérance. Ainsi, ce grand reméde, qui manie habilement peut faire des miracles, est souvent la perte de plusieurs, faute de discernement. Mais c’est la faute du ministre, et non celle du remêde.

La Révolution qui a écarté les bornes étroites des ames et lutté avec succés contre l’esprit de route a déjà produit quelques heureux effets dans la médecine de ces contrées ; et la sagesse du gouvernement français permet d’espérer qu’elle sera bientôt ici au niveau de celle des autres nations.

Inoculation et vaccine

Je n’ai trouvé l’inoculation pratiquée que un peu à Nice et dans les cidevant états du prince de Monaco. A Menton, Roquebrune et Monaco, elle était déjà en usage avant la réunion ; quant à Nice, quoique quelques personnes la pratiquassent, elle n’y avait pas l’assentiment général. La principauté de Monaco, ayant garnison française, était gouvernée selon l'esprit et les usages de la France, avait aussi pris quelques lumiéres de cette nation.

Mais dans le reste du département, on n’y connaissait pas, et l’on n’y connaît pas encore l’inoculation. Cependant comment se fait-il, ainsi que je l’ai représenté dans les conseils municipaux, qu’avec une si grande mortalité causée par la petite vérole, et le grand besoin que l’on a de conserver les hommes, on ne se soit pas empressé d’adopter universellement une pratique dont l’utilité est confirmée par tant d’années d’expériences ?

On m’a répondu en bien d’endroits, que l’inoculation donnant souvent une maladie presque aussi grave que la petite vérole naturelle, il répugnait aux principes religieux d’anticiper sur ce qu’il fallait laisser à la providence ; ajoutons d’après ce que nous avons rapporte en parlant de la petite vérole, que cette maladie ne paraissant qu’à des époques très éloignées, et épargnant même un grand nombre d’individus les raisons pour rejetter l’inoculation étaient justifiées en quelque maniére.

Ces mêmes raisons ont fait saisir, avec plus d’empressement, la pratique de la vaccine ; comme cette méthode est entiérement bénigne, on m’a fait peu d’observations contre son usage. Je l’ai trouvée universellement adoptée sur la cote maritime et dans la vallée de la Nervia, sauf à Pigna, lieu des moins éclairés ; je l’ai vue en usage, à Sospello et à Peglia ; dans cette dernière commune, tous les enfans ont eu ou la petite vérole ou la vaccine, par les soins des médecins du lieu et il est à présumer qu’elle est désormais à l’abri de cette contagion. Dans ma tournée du mois de messidor an X j’avais déjà compté six cent vaccinés dans tout le département sans accident quelconque, et la commission de santé ayant écrit une lettre circulaire explicative, pour la pratique, soit de l’inoculation, soit de la vaccine, elle a eu le plaisir de voir la plupart des maires et des curés saisir avec reconnaissance et satisfaction ses instructions et demander du virus vaccin.

J’ai recherché dans le département si les vaches y avaient quelquefois le cowpox. Je n’ai trouvé que dans la vallée de la Vésubie le chirugien Oddo, de Lantosca, qui m’a dit avoir observé plusieurs fois des boutons analogues au pis des vaches mais qui n’étaient jamais venu à suppuration. Partout ailleurs, on m’a répondu n’avoir rien observé de semblable sauf quelques corps glanduleux, entre cuir et chair, autour des mamelons.