Un objet, une histoire

Mandibule gauche de léopard (Panthera pardus)

Mandibule gauche de léopard (Panthera pardus) portant c-p/3-p/4 et m/1 (de la canine à la carnassière) découverte dans l’ensemble médian de la grotte du Lazaret (- 175 000 à - 145 000 ans environ).

Le léopard et l’homme : une très longue cohabitation

Aujourd’hui le léopard – également dénommé panthère - se rencontre dans des habitats variés, aussi bien en Afrique, où il est présent des plaines arides du rift éthiopien aux forêts tropicales du Congo, qu’en Asie où il occupe des milieux comme les contreforts du massif de l’Himalaya ou la taïga bordant les rives sibériennes du fleuve Amour.

Les données paléontologiques et génétiques montrent que le léopard est originaire d’Afrique. Les premiers hommes fossiles et ces prédateurs ont donc occupé très tôt des niches écologiques communes, telles que les savanes arborées et les steppes semi-arides de la vallée du Rift par exemple.

Les données paléontologiques suggèrent que les humains et les léopards ont étendu en Eurasie leur aire de distribution, il y a un peu plus de 2 millions d’années, en relation avec une importante aridification de leur milieu de vie originel. Durant cette première phase d’expansion, les humains ont exploré l’Europe et l’Asie méridionale, alors que les léopards semblent s’être limités à l’Asie.
La combinaison de la paléontologie et de la génétique suggère que les léopards arrivent en Europe il y a environ 600 000 ans, période qui correspond également à l’installation de populations humaines dans cette région du Monde (Homo heidelbergensis en l’occurrence, l’ancêtre de l’homme du Lazaret).

Enfin, en Europe, après avoir côtoyé successivement des anténéandertaliens (Homo heildelbergensis), des néandertaliens (Homo neanderthalensis) puis des hommes modernes (Homo sapiens), le léopard s’éteint il y a 25 000 ans environ, à l’occasion d’une période particulièrement froide (dénommée le dernier maximum glaciaire) qui fut également fatale à d’autres carnivores (ours des cavernes et hyène des cavernes notamment).

Dans quel but l’homme du Lazaret a-t-il chassé le léopard ?

Le léopard était vraisemblablement présent dans l’environnement immédiat de la grotte du Lazaret, lorsque les hommes préhistoriques ont occupé le site, de -190 000 à -120 000 ans.

Bien que les restes fossiles de léopard exhumés au Lazaret soient peu abondants, certains éléments osseux sont associés à des périodes d’occupation humaine. Ils sont par conséquent susceptibles d’avoir été chassés par les hommes.

Au cours des temps préhistoriques, à l’exception notable de l’ours des cavernes (Ursus spelaeus) qui est le plus végétarien des prédateurs, les carnivores semblent avoir été surtout chassés dans un but de récupération de la fourrure, leur viande étant généralement impropre à la consommation humaine.

Au Lazaret, la présence des stries de découpe localisées sur les métapodes et les phalanges – qui constituent une zone nécessitant une ultime intervention franche pour achever le décharnement - semble confirmer cette hypothèse.

Si une fourrure de carnivore protège en premier lieu du froid, on est en droit de se demander, en s’affranchissant de nos critères moraux modernes qui proscrivent depuis peu le port de la fourrure, si un souci esthétique sous-jacent ne guidait pas également l’homme du Lazaret.

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