2 - L’enfer de Verdun et son souvenir

La bataille de Verdun est intense et les conditions de vie des soldats dans les tranchées sont extrêmement dures. La Nation prend rapidement conscience de l’importance de l’enjeu pour la suite de la guerre.

2.1 Vivre dans les tranchées

Dans les tranchées, les difficultés de ravitaillement sont importantes. La nourriture doit être portée sur des kilomètres. Elle arrive souvent froide, obligeant le soldat à recourir aux rations de combat. La qualité médiocre de l'alimentation joue sur l'état physique du soldat ; les cas de dysenteries et de maladies intestinales sont fréquents. La soif est malheureusement encore plus terrible que la faim. Ils doivent résister à ces épreuves durant des jours et des nuits. De plus, les poilus doivent affronter la pluie et la boue qui s'incrustent partout ainsi que les rats, les puces et les poux qui les dévorent littéralement. Ils vivent avec des cadavres en décomposition autour d'eux. Les soldats dorment dans des casemates, souvent protégées sous d'importantes masses de terre, où l'atmosphère est souvent humide et insalubre. Dans les zones de combat, les hommes n'ont pas le temps d'organiser leur tranchée. Ils dorment le plus souvent sur des paillasses ou des matelas fins. Il est très difficile de trouver le repos dans le tonnerre des obus, les hurlements de blessés, la lente agonie des mourants et l'appréhension de la mort.

 Ils subissent ainsi une horreur quotidienne avec une banalisation de la violence, de la brutalité et de la mort. Leurs conditions de vie sont donc particulièrement éprouvantes. Ils garderont toute leur vie une vulnérabilité physique et psychologique de ce véritable enfer. Aussi, tout ce qui peut occuper l'esprit est très apprécié sur le front. Les journaux se multiplient à l'arrière du front. À cet endroit et parfois même dans les tranchées, on trouve des ateliers où sont fabriqués les objets les plus divers : les débris d'obus fournissent l'aluminium ou le cuivre qui servent à de multiples réalisations.

Les poilus trouvent parfois quelques répits dans les cagnas, qui en langage familier d'alors désigne un abri de fortune.

2.2 L’intensité des combats

La bataille de Verdun dure 10 mois et fait plus de 700 000 victimes : Environ 305 000 tués et disparus (dont  environ 162 000 Français et 143 000 Allemands), plus de 400 000 blessés (dont 210 000 Français et 190 000 Allemands). Les journées de combats sont très longues et se soldent par des pertes très lourdes, de plusieurs milliers d'hommes. Le développement de la puissance de feu de l'artillerie lourde permet la mise en œuvre d'une violence conduisant à la mort de masse d'hommes vivant en population dense. 70 à 80 % des blessures répertoriées par les services de santé sont imputables à l'artillerie, également responsable du grand nombre de disparus. C'est de loin l'expérience la plus traumatisante. Cela est dû à l'allongement des phases de préparation d'artillerie, à l'augmentation du nombre de pièces concentrées dans les secteurs d'assaut, à la production exponentielle de munitions. Pas moins de 30 millions d'obus allemands et 23 millions d'obus français de tous calibres tombent sur quelques dizaines de kilomètres carrés pendant les combats. Chaque jour du côté français, une moyenne de 100 000 projectiles labourent le champ de bataille. Les jours d'attaque, ce chiffre est doublé (lors de l'offensive du 24 octobre 1916, l'artillerie française tire 240 000 projectiles). La violence des combats est telle que neuf villages autour de Verdun, sont détruits: Beaumont, Bezonvaux, Cumières, Douaumont, Fleury, Haumont, Louvemont, Ornes, Vaux.

Face à ce déferlement, les moyens de protection sont presque totalement inefficaces. Il faut aussi endurer le risque des explosions de torpilles ou d'obus chargés en gaz. Ils vivent dans l'angoisse de monter en vain à l'assaut des tranchées ennemies où les mitrailleuses vont les hacher. La pollution engendrée par les armes chimiques et la concentration de cadavres provoque à l'issue de la guerre la création d'une " zone rouge ", impropre à l'habitation et à l'agriculture. Une grande partie de ces terrains, achetés par l'État aux propriétaires privés en 1919, reste encore aujourd'hui stérile.

2.3 La mémoire du sacrifice

Au moment-même de la bataille, les hommes politiques, militaires et l'ensemble de la population française sont conscients de l'enjeu stratégique qu'est Verdun. Les Allemands avaient en effet avancé de six à huit kilomètres en quelques jours. Dès lors, le mot d'ordre est " On ne passe pas ! " Le Président de la République Raymond Poincaré se rend sur le champ de la bataille à plusieurs reprises et décore la ville de Verdun de la Légion d'Honneur en septembre 1916.

L'Académie française adresse en juillet 1916 à l'armée de Verdun le texte suivant :

" À l'armée qui, depuis quatre mois passé, défend Verdun, où l'ennemi comptait que quelques jours lui suffiraient pour frapper la France d'un coup mortel ;

À l'armée qui attire sur un point à jamais célèbre de l'immense champ de bataille le regard du monde entier, atteste l'héroïsme français, illustre d'une page sublime l'histoire de la France ;

À la glorieuse armée de Verdun, l'Académie française adresse l'hommage de son administration, de sa reconnaissance, et de son respect. "

Après-guerre, la bataille de Verdun prend une place importante dans l'histoire de France, en raison du souvenir de l'intensité des combats, mais aussi parce que durant les dix mois de la bataille, l'armée française est seule face à l'armée allemande. En 1920, on choisit dans la citadelle de Verdun l'un des huit cercueils de soldats inconnus pour le placer sous l'Arc de Triomphe à Paris, des milliers de communes de France délibèrent afin de baptiser des rues ou avenues du nom de Verdun.

On construit par la suite un ossuaire, devant lequel on regroupe les tombes de 22 petits cimetières en une nécropole de 16 000 tombes. Enfin, entre 1962 et 1967, le Comité national du souvenir de Verdun, présidé par l'académicien Maurice Genevoix, lance une souscription nationale afin de construire un mémorial à proximité du village détruit de Douaumont.

Rappel de la création de la médaille de Verdun, 1956-1963