Les habitants des Alpes-Maritimes face au drame de la déportation

Face à la déportation et à l’occupation allemande, les habitants sont partagés et la Résistance s’organise.

Quelques témoignages locaux

Face au sort que connaît la population juive, les habitants des Alpes-Maritimes, à l’instar du reste de la population française, se partagent entre antisémitisme actif, indifférence ou indignation.

Pendant cette période trouble, l’attitude des habitants des Alpes-Maritimes vis-à-vis des Juifs se divise en trois groupes:

Les antisémites approuvent les mesures anti-juives et les arrestations, estimant même que l’on a trop tardé à les mettre en œuvre. Ils pensent que cela améliorera leurs conditions de vie et limitera le marché noir. Ils veulent aussi s’approprier les biens juifs saisis par les autorités.  Une autre partie de la population reste indifférente au sort des Juifs arrêtés car ils sont étrangers et n’ont pas défendu la France pendant la guerre. Mais la majorité de l’opinion publique condamne les exactions commises. Certains partisans du Maréchal Pétain témoignent de leur indignation devant l’action du gouvernement de Vichy à l’encontre des Juifs, à la botte des forces d’occupation. 

Le réseau de résistance Marcel est créé à Nice en 1943 par Moussa Abadi, homme de théâtre d’origine syrienne, et sa compagne  Odette Rosenstock, médecin. Tous deux sont de confession israélite.  Le réseau Marcel a pour  but le sauvetage des enfants juifs.  Moussa Abadi (dit Monsieur Marcel) sollicite et obtient l'aide de monseigneur Paul Rémond, évêque de Nice, ainsi que des pasteurs Edmond Évrard (Église évangélique baptiste de Nice) et Pierre Gagnier (Temple réformé de Nice).

Moussa Abadi est nommé inspecteur de l'enseignement catholique du diocèse de Nice. La secrétaire de monseigneur Rémond, Mademoiselle Lagache et l’Abbé Rostand, son secrétaire particulier, participent à l’entreprise et établissent dans un premier temps les listes des institutions, couvents et collèges du diocèse de Nice susceptibles d’accueillir des enfants. 

Le pasteur Évrard trouve des caches pour les Juifs, leur trouve des faux papiers, et facilite leur départ. Il  autorise en mars 1944 la célébration de la fête du Pourim dans l'église baptiste. 

Le pasteur Pierre Gagnier est lui aussi très actif dans la confection de cartes d'identité et d'alimentation. Il n’hésite pas à cacher des Juifs dans le presbytère et dans le temple réformé de Nice.

Grâce à ses couvertures, Moussa Abadi fabrique des faux papiers, des fausses cartes d'alimentation, obtient et gère des aides financières, en particulier par l'entremise de Maurice Brener, responsable de l'American Joint Comittee (association caritative juive américaine). Odette Rosenstock contacte quant à elle  les maires de différentes communes, et les responsables de maisons d'enfants à caractère sanitaire. Moussa et Odette se mettent en relation avec les institutions religieuses catholiques, les communautés protestantes et les paysans de l'arrière-pays ; ils prospectent les lieux d'accueil de Nice, Cannes, Grasse, Thorenc, Villefranche, pour cacher des enfants juifs recherchés par les nazis et la milice.

Le réseau Marcel arrive à sauver, jusqu'à la fin de la guerre,  527 enfants juifs. 

Enfin, les organisations de la Résistance diffusent de nombreux tracts dénonçant les persécutions contre les Juifs. Elles appellent les Français à se battre contre l’occupant et ses collaborateurs.

L'état d'esprit de la population après l'arrestation des juifs

Compléments audio

Écouter le témoignage de Féodor Merowka, enfant juif pendant la Seconde Guerre mondiale, sur le compte des Archives départementales des Alpes-Maritimes sur Dailymotion.

La Résistance dans les Alpes-Maritimes

La Résistance s’organise dans les Alpes-Maritimes avec l’unification de différents mouvements, une propagande médiatique active et une action armée.

Autour du général De Gaulle exilé à Londres, des Français se rassemblent, dès l’été 1940, pour combattre les forces de l’Axe et préparer l’avenir politique de la France. En métropole aussi des hommes et des femmes issus de tous les milieux ne se résignent pas à la défaite et cherchent à s’organiser pour lutter contre l’occupant et la collaboration du régime de Vichy. Dans la clandestinité, des mouvements de Résistance se créent et se structurent. En zone sud, trois grandes formations se développent : Combat, Libération, et Franc-tireur. Dans la zone nord, ce sont Libération et, depuis juin 1941, le Front national dans lequel le parti communiste est prépondérant. Jusqu’en 1942, les mouvements de Résistance et la « France Libre » ont peu de contacts. De Gaulle doit prouver aux Alliés qu’il a derrière lui tous les Résistants. Des envoyés de la « France Libre » partent en mission en France.

 À partir de janvier 1942, l’ancien préfet Jean Moulin, qui devient délégué de Charles De Gaulle pour la zone sud, a pour mission d’unifier la Résistance intérieure. En janvier 1943, les trois grands mouvements de la zone sud se rassemblent dans les Mouvements unifiés de la Résistance (MUR). Après avoir séjourné à Nice où il ouvre une galerie de peinture pour couvrir ses activités, Jean Moulin met sur pied un Conseil national de la Résistance, dont la première réunion se tient, le 27 mai 1943, dans Paris occupé. Le CNR - unique organisation de ce type dans toute l’Europe occupée - regroupe huit mouvements de Résistance, deux confédérations syndicales et six partis politiques (du PCF aux formations de droite). Ces mouvements créent progressivement des formations militaires (Armée secrète et Groupes francs pour les Mouvements unis de Résistance, Francs-tireurs et partisans (FTP) pour le Front national). Parallèlement, De Gaulle s’impose aux Alliés comme seul représentant de la France résistante, à la tête du Gouvernement provisoire de la République française. La presse, les tracts et la radio constituent des moyens efficaces pour faire entendre la voix de l’opposition au régime de Vichy et à l’occupant mais les obstacles sont multiples : pénurie de papier, contrôle des machines à écrire, des ronéos et des imprimeries, délation, brouillage des émissions. La presse émane des mouvements de Résistance (Combat, Libération, Franc-Tireur pour les Mouvements unis de la Résistance, le Patriote niçois pour le Front National (mouvement communiste), Témoignage chrétien pour la mouvance chrétienne de la Résistance dirigée par le prêtre jésuite Pierre Chaillet ou de partis clandestins (Le Cri des travailleurs pour le parti communiste, Le Populaire ou L’Alerte pour le parti socialiste). Elle est imprimée sur place ou diffusée à partir des régions lyonnaise et marseillaise au prix de mille difficultés. La Résistance développe son action militaire, notamment grâce à l’implantation de maquis, à la fin de l’année 1943, étoffés par les jeunes refusant le service du travail obligatoire (STO). Le manque d’armes oblige souvent les maquisards à refuser le combat, mais leur armement s’améliore progressivement grâce à des parachutages effectués par l’aviation alliée entre juillet 1943 et août 1944 sur une douzaine de sites du haut-pays, notamment celui du plateau de Dina près de Puget-Théniers. Pour aider les maquisards, il faut fabriquer des faux papiers, les installer à l’écart des villages dans des granges abandonnées ou dans des grottes. La vie y est dure.

Les Alliés multiplient les opérations maritimes et aériennes pour aider la Résistance et affaiblir l’effort de guerre allemand. Du 11 novembre 1943 au 14 août 1944, les Alpes-Maritimes sont l’objet d’une vingtaine de bombardements aériens anglo-saxons visant les ponts enjambant le Var, des installations industrielles (usines de La Bocca, scierie du Suquet d’Utelle, cimenterie de la Grave de Peille), ferroviaires (dépôt SNCF de Nice Saint-Roch) ou portuaires (port de Nice) qui font 455 tués, 740 blessés et 9 380 sinistrés. Trois communes sont surtout victimes : Cannes, Saint-Laurent-du-Var et Nice.

Les formations paramilitaires de la Résistance organisent de nombreux attentats afin d’impressionner l’opinion publique et de démoraliser l’occupant. C’est ainsi que les permanences de mouvements collaborateurs sont plastiquées, que des soldats italiens et allemands, des miliciens, des Français délateurs ou adhérents au Parti populaire français sont abattus. De nombreux sabotages sont entrepris afin de freiner la production de guerre et de perturber les communications. Le bilan s’établit à 404 attentats et sabotages de juillet 1941 à août 1944 dans le département des Alpes-Maritimes.

Courrier de Jean Moulin pour ouvrir une galerie d'art à Nice, 1942