Route du Baroque

Eglise Saint-Pierre-aux-liens

1642-1660. Le parti adopté par l’architecte, Jean-André Guibert, est clairement lisible. Un rythme ternaire celui de la Trinité, se dégage d’emblée.

La façade de l’église présente une travée médiane, en légère avancée, plus décorée et deux travées latérales, en retrait, plus discrètes. Les deux chapelles des Pénitents qui jouxtent l’église, reprennent ce schéma et l’amplifient, la façade de l’église jouant alors le rôle de la travée médiane.Si l’on résume la composition de cette façade en une figure géométrique, on obtient un triangle donc ternaire encore.

Ce dispositif architectural développe l’un des grands thèmes du style baroque : la recherche de la monumentalité à travers une mise en scène de l’espace urbain de la place (cf. place de Saint-Pierre de Rome). L’église dominant les deux chapelles des Pénitents, s’avance sur la place au centre de la composition. La travée médiane de la façade de l’église et, à travers elle, le portail seul moyen d’accès à l’intérieur, accueille le fidèle. Ce portail se situe dans l’axe de symétrie verticale de l’édifice. Cet axe culmine à la pointe du fronton triangulaire, point d’orgue de l’élévation mis en exergue par un crucifix. Le portail est ainsi clairement annoncé comme le début du chemin menant vers Dieu.

La façade de l’église présente donc trois travées. Elle ne compte que deux niveaux d’élévation (portail et serlienne (fenêtre triple) correspondant aux deux niveaux intérieurs (grandes arcades et fenêtres hautes)) ce qui semble vouloir rompre avec le rythme ternaire annoncé jusqu’ici. En fait, ce sont les motifs décoratifs qui prennent ici le relais.

Au premier niveau, le décor définit trois partitions horizontales. La première est composée d’un soubassement rythmé par les ressauts des socles des piliers. Il se termine par une fine corniche.

Au-dessus, se développe une colonnade. Les fûts lisses des piliers supportent des chapiteaux composites et un entablement (troisième ligne horizontale) composé d’une architrave lisse et d’une frise continue de rinceaux de feuillage.

Le deuxième niveau reprend les mêmes motifs, mais il est plus étroit. Permettant une transition sans heurt, deux consoles à volutes l’encadrent aidant le regard à se concentrer sur la bande médiane. Clôturant l’élévation, la troisième partie horizontale est un fronton qui resserre encore la façade accentuant l’effet ascensionnel.

L’axe médian de la composition est très marqué, déclinant lui aussi le thème du chiffre 3.

Au rez-de-chaussée, le portail rectangulaire assoit le développement vertical. Au second niveau, la serlienne (fenêtre triple sous un arc triomphal) poursuit le mouvement en l’assouplissant grâce à l’arrondi de la fenêtre centrale. Au troisième niveau, une niche contenant une statue resserre encore le propos. Le parti pris architectural, d’une grande simplicité, est efficacement relayé, souligné par les motifs décoratifs. Et cette volonté se retrouve à l’intérieur de l’édifice.

L’intérieur offre un plan longitudinal à nef unique débouchant sur un choeur rectangulaire plus étroit.

La nef est bordée de chapelles. La progression longitudinale de la nef est brusquement interrompue par le retour d’équerre de la base de l’arc triomphal marquant le début du choeur.

Le chevet (mur du fond du choeur) est occupé par le maître-autel. Il est mis en valeur par quatre colonnes soutenant un arc et il est jouxté par deux niches renfermant des statues. Une serlienne couronne l’élévation. La composition décline, une fois de plus, le chiffre 3. Ce schéma est très proche de celui adopté au Jésus de Nice.

L’élan ascensionnel des piliers qui bordent la nef est brusquement stoppé par un large entablement comprenant une architrave, une large frise ornée de rinceaux et une corniche. Au-dessus de cet entablement, des arcs doubleaux, situés dans le prolongement des piliers, scandent la voûte en reproduisant et en confortant le rythme imprimé dans la nef.

Greffé sur ce discours architectural sobre un magnifique décor de stuc, complété ou refait partiellement, introduit dans la tonalité sévère de l’église une note "fantastique", principalement dans les chapelles ménagées dans l’élévation latérale droite. Ces stucs sont attribués à Marvaldi, stucateur, originaire de Ligurie.

Le décor le plus remarquable est celui de la première chapelle. L’artiste a placé à l’intrados de l’arc d’entrée (partie intérieure de l’arc) des figures féminines en vis-à-vis. Il s’agit d’une variation sur le thème de la jeunesse et de la maturité, peut être de l’innocence et du savoir (ou du péché). Ces figures complémentaires et antithétiques présentent la partie supérieure d’un corps féminin. Aux bras et aux jambes se substituent de longues et larges volutes de feuillage.

Les volutes supérieures se rejoignent au-dessus de paniers de fleurs ou de fruits que portent les deux femmes. Il faut noter que la corbeille que porte la figure consacrée à la jeunesse contient des fleurs encore fermées et des fruits jeunes. Par opposition, la corbeille de la figure de la maturité est emplie de végétaux épanouis. Séparant les deux figures et occupant le milieu de la composition, une tête de faune énigmatique semble émerger du feuillage. Des figures féminines ailées se retrouvent au-dessus du retable du maître-autel.

Du décor de la frise de la nef on retiendra la présence d’angelots distribués par rapport au strict contexte architectural, à l’aplomb des piliers ou aux articulations du plan. Ceux situés à l’aplomb des piliers soutenant l’arc triomphal sont conçus comme de petites cariatides dont le bras soutient la corniche débordante.

Au bas des arcs doubleaux de la nef, on trouve des angelots debout sur un globe tenant un vase d’où s’échappent des rinceaux. Leur succède une figure féminine clairement dérivée des stucs de la première chapelle de droite et instaurant une très intéressante continuité ornementale.