un objet, une histoire

Fragment de bois de mégacéros (Megaloceros giganteus)

Fragment de bois de mégacéros (Megaloceros giganteus) découvert dans l’ensemble médian de la grotte du Lazaret (- 175 000 à - 145 000 ans environ).

L’histoire paléontologique du mégacéros

Le mégacéros (Megaloceros giganteus), également dénommé cerf géant ou élan irlandais, apparaît il y a 500 000 ans environ dans les vastes steppes arides et froides d’Asie centrale. Cette espèce s’est répandue à de nombreuses reprises, au gré des périodes glaciaires successives, en Europe occidentale et méridionale jusqu’aux derniers soubresauts de la fin de la dernière période glaciaire, il y a environ 11 000 ans, qui lui furent fatals dans cette région du monde. Certains spécimens survécurent cependant dans quelques zones restreintes de Sibérie occidentale et d’Oural pendant quelques millénaires, avant de s’éteindre également, il y a un peu plus de 7 000 ans.

Les études paléontologiques et génétiques ont montré que ce géant de la préhistoire était un proche parent du daim, qui est à l’inverse l’un des plus petits cervidés connus et dont on connait de nos jours deux espèces distribuées en Europe (Dama dama, le daim européen) et au Moyen-Orient (Dama mesopotamica, le daim de Perse).

Le mégacéros était un véritable géant de la préhistoire. Les mâles étaient pourvus de bois particulièrement impressionnants, pouvant atteindre 3,50 mètres d’envergure. En outre, certains mégacéros pouvaient dépasser 2 mètres de hauteur au garrot, pour un poids moyen de 450 kilogrammes environ (les plus grands spécimens pouvant même peser près de 600 kilogrammes). Sur la base de ces impressionnantes dimensions, on peut en déduire que l’apport nutritif d’un mégacéros était exceptionnel. On peut en effet estimer à 290 kilogrammes la valeur moyenne du poids de viande d’un spécimen, ce qui correspond à un apport nutritif de 360 000 calories fourni par un mégacéros, soit un apport trois fois supérieur à celui d’un cerf européen classique (123 000 calories en moyenne).

Le mégacéros constituait donc une proie particulièrement rentable pour les hommes préhistoriques et notamment les chasseurs-cueilleurs qui ont occupé la grotte du Lazaret, de -190 000 à -120 000 ans.

Les immenses bois du mégacéros : un avantage ou une contrainte ?

La disparition du mégacéros, entre -10 000 et -7000 ans, est souvent considérée comme un exemple d’excès du principe de la sélection sexuelle. En effet, si des bois puissants constituent indubitablement un avantage pour la reproduction, des bois démesurément grands peuvent devenir un caractère secondaire handicapant, notamment lors l’affrontement entre mâles durant la saison des amours.

Diverses études paléontologiques ont montré que la position des bois de mégacéros leur permettait de procéder à des attaques frontales ne nécessitant pas de torsion-rotation importante de la tête. On peut donc penser que les affrontements entre ces géants de la préhistoire étaient certes constitués de chocs violents, mais probablement plus brefs, limités et prévisibles que chez les cerfs actuels, pour lesquels la clef du succès reproductif repose surtout sur la résistance des bois aux charges de torsion.

Il semble donc, comme le supposait déjà le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould en 1974, que la mise en place d’un environnent forestier et d’un climat tempéré à l’issue de la dernière période glaciaire - plus que la taille démesurée de ses bois - soit à l’origine de la disparition progressive du mégacéros.

 

 

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